L'imagination de Rubens avait même un caractère si tranché, si absolu, qu'il ne copiait pas fidèlement les toiles italiennes et les modifiait sans le vouloir, quand il ne le faisait pas à dessein. Une répétition d'un tableau de Raphaël, exécutée par lui et conservée à Vienne, dans la collection Esterhazy, met ce fait hors de doute. Il est curieux de voir comment le peintre anversois, en reproduisant la grâce et les nobles lignes de son modèle, a gardé tous les caractères distinctifs de son propre coloris. Le musée de Madrid possède une toile où Rubens a poussé plus loin encore la liberté du pinceau, et comme l'original, l'Adam et Ève du Titien, se trouve dans la même galerie, la comparaison est facile. Les deux tableaux sont d'égale dimension, mais le Flamand n'a respecté ni le dessin ni la couleur du Vénitien, en sorte que l'imitation ne rappelle l'oeuvre primitive que par le sujet et les lignes essentielles.
Albert et Isabelle lui offrirent sous une forme plus délicate le présent qu'il n'avait pas voulu recevoir. Le 8 août 1609, ils commandèrent à leur joaillier, Robert Staes, pour la somme de trois cents florins, une chaîne ‘d'or et une médaille portant leurs effigies, dont ils voulaient faire cadeau à Pierre Paul (Rubens). Le mois suivant, ils le nommèrent leur peintre officiel, avec un traitement de cinq cents livres de gros. Ce titre avait cela d'avantageux qu'il lui permettait de peindre et d'enseigner la peinture, sans être asservi aux règlements des corps de métier, qui régissaient et entravaient la confrérie de Saint-Luc. Les lettres patentes de sa nouvelle dignité lui furent remises le 23 septembre 1609.