Le jeune poète se lassa bientôt d’une aussi triste situation. Il lui fallut néanmoins la supporter deux ans et demi. Un digne homme lui tendit alors la main et le tira de cette fondrière. Ayant lu par hasard l'Almanach des Muses, qui se publiait à Goettingue, Voss écrivit une lettre au directeur. Il y joignit deux ou trois pièces de vers pour qu’il les insérât, s’il le jugeait convenable. Une réponse amicale, non-seulement du directeur titulaire, mais aussi de Boïe, l’éditeur véritable, lui causa le plus vif plaisir. Une correspondance s’établit entre eux. Boïe lui proposa de venir habiter Goettingue; connaissant d’ailleurs sa pauvreté, il lui obtint une exemption des droits universitaires , un frei-tisch ou alimentation gratuite, et paya lui-même son loyer. Ce fut à cette époque que notre auteur fonda la société dont nous avons décrit les habitudes.
C’est en France, et dans le nord de ce royaume, que se développa l’architecture ogivale. C’est probablement là aussi que le style gothique modifia d’abord la peinture. D’après les recherches faites jusqu’ici, l’église de Sainte-Ursule, à Cologne, renferme les plus anciens monuments de ce style dont l’époque soit constatée. Ce sont les images des apôtres, peintes sur des tables d’argent : les unes décorent l’autel central du choeur, et les autres, le mur de l’aile droite. Quoiqu’elles aient souffert, les dernières en particulier, on n’y voit cependant pas de retouches; les apôtres sont assis et coloriés; les contours se laissent à peine saisir. Une des tables porte la date de l’année 1224.
Outre cette mission passive qui le distingue, l’art exerce encore une influence active. Au lieu de se borner à peindre l’homme et la société, il les aiguillonne, il les soutient dans leur douloureux voyage. Musique de fête, chant du cœur, il entraîne derrière lui nos pensives cohortes. L’enseignement religieux, les doctrines morales, l’austère leçon des vieillards prennent sur ses lèvres une grâce miraculeuse. On obéit à sa puissance comme aux enchantements de la femme. Il construit des voûtes pour abriter la prière, dessine ou taille d’éloquentes images, suspend dans les airs l’orgue et la cloche, invente des modulations aussi graves que la tombe, aussi douces que l’espoir, et nous fortifiant durant la vie, nous excitant à remplir notre destinée, il sait encore élever sur notre cendre la pyramide du souvenir.
L’unité de l’art est bien autrement sévère. Ne portant pas le même joug, ne se heurtant point aux mêmes embarras, il accepte, il réalise le dogme et la loi dans leur entier. Ses œuvres sont une pure émanation du système contemporain. Le milieu qui nous environne nous teint de ses couleurs. Nous ne jugeons, nous ne sentons qu’à travers nos idées. Les objets naturels eux-mêmes nous impressionnent différemment, selon les époques.
Une circonstance très remarquable dans l’histoire de la civilisation germanique, est de voir l’art prendre en Allemagne, avant le treizième siècle, un essor qui ne se manifesta en Italie que durant le cours de ce siècle. Toutefois, le petit nombre d’œuvres considérables et originales que renferme encore le premier pays, ne permettent point de comparer ses productions à celles des artistes italiens.