S'autoriser à se pardonner ne permettra évidemment pas de remonter le temps : l'erreur a été commise. Mais, plutôt que de m'enliser dans les regrets, je vais en tirer les leçons et, à partir de là, grandir plutôt que me nécroser.
Me reconstruire plutôt qu'être empoisonné par le passé. Prendre la mesure de cette erreur et m'engager à me transformer. Passer à une autre étape.
M'apaiser pour avancer.
Lire un poème, un roman, voir un tableau n'est pas acquérir des connaissances intellectuelles abstraites, c'est se rencontrer soi-même.
Je m'en voulais de toutes mes tripes, je dois me pardonner de toutes mes tripes. Me réconcilier avec moi-même, avec ce moi que j'ai peur de regarder de trop près: le moi vaniteux, mesquin, frileux, le moi faillible. Se pardonner n'est pas une affirmation ni une intention, c'est un processus qui me mène à accepter d'être juste humain, un être fragile, un être perfectible.
Nous ne savons même pas nous respecter: nous nous méprisons sans toujours nous en rendre compte. Nous sommes durs avec nous-mêmes, bien plus durs que nous oserions l'être avec quiconque. Nous ne nous écoutons pas et nous attendons de l'autre qu'il nous écoute. Nous ne trouvons pas la paix en nous, et nous en voulons aux autres de ne pas nous foutre la paix, ni nous apprécier. Mais est-ce que nous nous foutons nous-mêmes la paix? Nous nous écrasons et nous écrasons les autres, sans même nous en rendre compte. Même quand nous nous prétendons habités par l'esprit du sacrifice.
Entre l'estime de soi et l'amour réside une énorme différence : l'élan de vie. Estimer est un acte de l'intelligence. Aimer est une aventure. Le fruit d'une rencontre qui s'ancre dans la réalité.
J'admets qu'il m'est parfois dur de m'aimer entièrement, de me dire un oui chaleureux et inconditionnel, de me faire pleinement confiance.
C'est souvent provocant, troublant, déstabilisant.
Néanmoins, il est bon que je sois, moi, mon meilleur ami.
À partir de l'amour que j'ai pour moi, je serai désormais plus vigilant. Même si je sais déjà que je ne serai jamais parfait: la vie est trop complexe pour nous permettre d'être en permanence irréprochables.
Narcisse est la figure qui nous sauve du danger de devenir Zelig. Un danger, d'autant plus redoutable quel'on se rend jamais compte que nous sommes déjà sur sa pente glissante. Nous sommes conditionnés, depuis la prime enfance, et au nom d'une logique productiviste, à n'être plus jamais "je". À l'école, la pédagogie ne s'adapte pas à tous les enfants, mais elle leur demande de s'adapter à elle, au nous. Dans le monde du travail, la "culture" d'entreprise ne se contente pas de fédérer: bien souvent, elle reste un étau destiné, au nom de l'harmonie, à gommer tout ce qui peut être différent, singulier, enrichissant.
Lire n'est pas apprendre des informations, c'est interroger le texte, partir à l'aventure avec lui, le laisser nous parler, nous transformer réellement.