Sur le papier, Neuchâtel paraissait être une ville agréable, [...] Sur le papier. Il faut toujours se méfier des belles cartes postales. En général, elles écrasent les ombres et surexposent la lumière.
(...) Plus il gravissait les marches, plus ses membres lui paraissaient de plomb. Respirait-il plus difficilement ? Il en avait l’impression. Dans cinq ans, il aurait soixante ans, l’âge auquel on peut profiter des fruits de son labeur grâce à quelques rentes lucratives. De ce côté-là, Ambroise n’avait pas chômé. En tant qu’aîné d’une fratrie de huit enfants, on ne lui avait pas laissé le choix de l’oisiveté et de la distraction. Par voie de conséquence, Ambroise ne renvoyait pas l’image de quelqu’un de drôle. Parfois, il s’ennuyait lui-même.
Au troisième étage, il songea que, bien que les détails pratiques lui échappent encore, il n’allait pas laisser de mot d’adieu ou d’excuses. Après tout, le suicide était quelque chose de très personnel. Livrer ses motivations enlevait un peu de solennité et de mystère à l’acte.
Quand Ambroise Perrin passa le porche menant à l’entrée du Castel Béranger, rue La Fontaine dans le seizième arrondissement de Paris, il fut convaincu de deux choses : il haïssait le thé, et il allait mettre fin à ses jours.
Non pas que les deux affirmations fussent liées – encore qu’en poussant un peu – mais, dès lors qu’il avait aperçu les façades du célèbre immeuble, elles lui étaient venues simultanément à l’esprit. Comme une évidence.
Et cette nuit, il vit le Seigneur gargouiller dans la gorge d'Armand.
- Il faudrait donc rééduquer les femmes ?
- Absolument ! Mais qui décide de leur éducation ? Les hommes. Le serpent qui se mord la queue depuis qu'Adam et Eve se sont fait chasser du Paradis. Ne nous pardonneront-ils jamais ce péché originel ? Devons-nous payer pour l'erreur d'une seule femme avec sa satanée pomme de malheur ?
- Je ne suis pas certaine qu'Eve ait commis une erreur. Je crois qu'elle a simplement voulu comprendre le sens de son existence en l'absence d'explication. La soif de connaissance n'est jamais un péché en soi.
- Est-ce que... Est-ce que toutes ces notes que vous prenez vous aident ? Interrogea Louise, l'air à la fois inquiet et intrigué.
- Absolument pas. Elles sont remplies de fautes, mais elles occupent mon assistant, tacla Evariste sans bouder son plaisir.
- Je ne fais jamais de fautes, répondit Isabeau en domestiquant ses cheveux mi-longs à l'aide d'une casquette beige, et oui, mes notes l'aident beaucoup. Cependant sa mauvaise foi l'étoufferait dans l'instant s'il le reconnaissait.
L'échange détendit Louise qui se mit à sourire plus naturellement qu'à son habitude.
De retour dans la suite, Isabeau remarqua que Georges venait d'ouvrir la fenêtre donnant sur le canal de la place Saint-Marc. La lumière jouissait d'un rayonnement particulier comme si elle avait été jetée par Dieu lui-même.
- Sachez que je déploie beaucoup de génie à respecter la limite entre être odieux et insupportable. Le premier qualificatif relève du talent, le second de la stupidité.
- Alors bienvenue dans le monde des imbéciles, car je vous certifie que depuis au moins une semaine, vous êtes impossible.
Et bien, mon ami, pour obtenir l'artificiel il faut la main de l'homme. La Nature est bien plus authentique et aléatoire.
Le bruit constant force le cerveau à traiter de l'information en continu et cela participe de son aliénation.
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