J'agonise fort bien, merci

- [Évariste] Je croyais que nous étions tombés d'accord.
- Non, non, non, protesta Isabeau avec véhémence, vous avez parlé et encore parlé, puis vous avez conclu. On est assez loin de l'idée de "tomber d'accord".
- C'est pénible, cette manie que vous avez de jouer sur les mots.

Frappé par l'incroyable chorégraphie du ciel et de l'océan autant que par l'explosion des couleurs et des lumières semblant tout droit extraites de l'esprit divin, Isabeau était hypnotisé. Le soleil rasant avait mis le feu aux nuages denses, et, tordus par le vent, ceux-ci ressemblaient au ventre d'un dragon accrochant presque par endroits le toit des villas.

Le piège de la vie consistait à se laisser distraire par un regret passé ou une espérance future.

- Bon, on va d'abord remonter la voiture ! ordonna le lieutenant- colonel, avant de se tourner vers le docteur. Vous regardez si vous pouvez faire une première identification ? C'est peut-être des locaux.
- Oh, mais je peux d'ores et déjà vous la faire, l'identification : bouillie numéro un, et bouillie numéro deux.

- Chacun compose avec sa douleur et ses blessures, rassura Evariste. Je suis convaincu qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de le faire. Il y a notre façon, et celle des autres.

- En fait, si Dieu existe, il est acquis qu'il est un mauvais scénariste. Depuis un moment déjà, sa mise en scène est affligeante.
(Evariste)

- Savez-vous ce qu'est une chaîne alimentaire ? questionna le notaire avec délectation.
- Oui, mais je ne vois pas bien le rapport dans le cas présent. (Isabeau)
- Eh bien, figurez-vous que je me trouve au sommet.
- De la chaîne alimentaire ?
- Oui.
- Et ? persista le jeune homme, qui pataugeait dans l'incompréhension.
- Je fais ce que je veux.

Isabeau fit de gros efforts de concentration, mais cela ne servit à rien. Depuis cinq minutes, Evariste lui agitait un des livres de la bibliothèque sous le nez avec un air entendu, comme si le geste se suffisait à lui seul. Sauf que, dans toute l'histoire de la démonstration, agiter un livre n'avait jamais été considéré comme une explication digne de ce nom par aucune créature dotée d'un minimum d'intelligence. De cela, le jeune homme en était convaincu.

En fait, si Dieu existe, il est acquis qu'il est un mauvais scénariste. Depuis un moment déjà, sa mise en scène est affligeante.

Des globes oculaires tout ronds contenaient des iris jaune clair d'une intensité insoutenable. On y voyait l'abîme, l'infini et l'ombre. Quelque chose qui véhiculait la puissance primitive, transpirait une violence d'origine. C'était ancien, c'était hors des lois de l'homme, hors des lois de Dieu.
- Suis-nous !