Le véritable écrivain c’est l’ignorant de génie, qui ne sait rien mais comprend tout.
Joseph DELTEIL - Préface
Quel plaisir de s’asseoir et boire un coup quelque part. Souvent, en traversant la ville en autobus, je sortais tout d’un coup parce que l’endroit n’était pas familier. J’avais une telle soif de connaître tous les quartiers. En déambulant j’étais comme un homme ivre. Tout me donnait de l’enthousiasme, un appétit insatiable.
Quant à Victor Hugo, je le vois comme un soleil, ou un homme colossal, et ses espoirs pour l’humanité aussi colossaux, fantastiques et incroyables, non, impensables !
Nous nous souviendrons des auteurs qui nous ont donné de la joie plus longtemps que ceux qui nous ont fait penser .
Je voudrais ajouter, sans vanité, que Frank Harris a vu q.q. chose en moi que les éditeurs et même mes amis ne voyaient pas. Je veux dire - un écrivain. A cette époque, quand je n’avais rien écrit, mais que j’ai prétendu avoir écrit plusieurs livres, il était vraiment important d’être reconnu. Je n’oublierai jamais les années de faim, d’humiliation, le refus partout. ... Je sais bien ce que cela veut dire — « d’être un quelconque ». Même aujourd’hui c’est difficile pour moi de croire que tout le monde connait mon nom, même pour les mauvaises raisons. Je n’avais pas le courage romantique des clochards de Paris. Moi, j’étais devenu un ver, une punaise. Alors, punaise, conard, traitre, faillite, comment est-ce que j’ai survécu ? Je peux vous donner deux réponses. Une est astrologique - mon Jupiter bien placé. L’autre est que sans doute j’ai un ange gardien qui me protège. Et qui peut être mon ange gardien ? A l’avis d’un médium à Londres, il était un frère mort-né... Naturellement je n’avais rien entendu de mes parents d’un tel frère. Mais je ne m’en plains pas. Frère ou mythe il m’a sauvé la vie maintes fois. Mais avant de me rescaper il me laisse tombé jusqu’au fond. Peut-être il savait, mieux que moi, que ce drame était bon pour mon caractère. C’est cela « that makes a man of you », comme on dit en anglais.
J'ai vécu (au moins dans ma tête) la vie des caractères de Hamsun, et de thomas Mann et Dostoïevski. Aujourd'hui, quand je pense à ce russe sublime, il me paraît comme une lune qui appartient à la grande planète bénéfique, Jupiter. Quand à Victor Hugo, je le vois comme un soleil, ou un homme colossal, avec des appétits colossaux, et ses espoirs pour l'humanité aussi colossaux, fantastiques et incroyables, non impensables !
Et Rimbaud alors ! Un "nova" ! L'inventeur d'un nouveau langage : la poésie; comme s'il n'y avait pas de poètes avant lui. Personne, même les marchands de la rue ne peuvent éviter son influence. Il était d'une autre race, de l'espace, un demi-dieu placé sur la terre pour nous instruire. (p.25)
Entendre des sanglots au milieu de la nuit est terrifiant .C'est toujours dans les quartiers pauvres qu'on les entends .Ils sont fait pour les écrivains , les poètes .Les musiciens , il me semble. Les gens ordinaires ne les apprécient pas, ou pas suffisamment
Qu'est-ce que vous avez fait avec votre
âme? C'est la question qu'une médium a
hurlé quand je suis entré dans son sanctum
sanctorum. À l'age de 18 ans j'ai parlé et dis-
cuté avec mes amis sur l'âme. A cette époque
Anatole France était un nom important. Ce
qui m'étonne aujourd'hui est ceci, que c'était
à New York, pas en Californie, où on a discuté
ces sujets. Oui à New York même, dans les
premières années de 1900, l'âme occupait une
place dans la mentalité de l'homme.
p. 44
Je n'aime pas les martyrs. C'est pourquoi j'estime Saint-François d'Assise au-dessus de Jésus le Christ.
C'est dans le livre de mon cher ami Joseph Delteil que j'ai appris cette phrase merveilleuse de St François : il disait à ses disciples trop ardents: "N'essayez pas de changer le monde: changez le monde : " Quoi de mieux ? (p.35)
Avec ou sans âme , je me sentais un raté , un bon à rien .Non que je croyais que d'être écrivain fait de quelqu'un un quelqu'un .Il me semble que même à ce jeune âge , j'apercevais que le monde de la culture était la fausse route