Elle reprit sa robe de chambre sur le sol et sans faire de bruit, quitta la chambre d’Armand sur la pointe des pieds. La porte était à peine refermée qu’elle entendit de nouveau les cris de plaisirs d’Émilie. Satisfaite, elle gagna sa propre chambre, prenant tout à coup conscience que dorénavant, la solitude serait la seule compagne à partager son grand lit. Les mains croisées sous la nuque, elle chercha le sommeil. Heureusement, la chambre d’Armand était suffisamment éloignée et leurs cris de plaisir ne pouvaient lui parvenir. Il n’y avait ni jalousie ni ressentiment en elle, bien au contraire. Elle pensait avoir fait ce qu’il fallait et avoir rendu à Émilie l’espoir d’un avenir radieux. Ne pouvant s’endormir, elle se leva et gagna le balcon-terrasse. À l’horizon, elle devinait les lumières des torches qui éclairaient la prison et surtout le chemin de ronde, sur les remparts. Il y avait une torche tous les cinq à sept mètres.
Isabella jetait en douce des coups d’œil vers sœur Héloïse et lui rendait ses œillades, sans toutefois lui sourire ou avouer une complicité inavouable en ces lieux. Émilie, à genoux à côté d’elle, murmurait les prières ou les répons quand il le fallait. Les novices ne participaient pas à l’office, réservé aux nonnes. L’église était magnifique, richement décorée, et l’on sentait que les mécènes qui finançaient le couvent ne devaient pas être loin du roi ou de la noblesse de cour. Jamais, Isabella n’avait vu de tels ors et une si grande richesse étalée aux yeux de tous. Pourtant, pour ce qu’elle en savait, l’ordre des Carmes répondait à une règle de pauvreté. Allez comprendre ! songeait-elle, levant régulièrement les yeux pour observer tour à tour sœur Héloïse et la décoration des lieux. Quand ce qu’elle considérait comme un calvaire fut enfin achevé, elle vit sœur Héloïse s’approcher de la mère supérieure et donna un coup de coude à Émilie.