Yem, tome 2 : La liberté

Aimer, ce n’était pas penser à soi, c’était savoir se sacrifier pour l’autre, pour son bonheur.

C’était sans compter la méchanceté gratuite de l’être humain. Vous auriez dû rester en Éthiopie ! lui avait craché à la figure, un petit fonctionnaire du consulat italien. Bien sûr, elle aurait pu ne pas aller à l’école, ne rien apprendre, se faire couper le clitoris en rigolant, ne jamais rien faire d’autre que labourer une terre aride et écarter les cuisses tous les soirs pour accoucher d’un enfant tous les ans, déjà condamné par avance à la plus noire des misères. Elle aurait dû accepter de rentrer dans le rang, de se taire et tout aurait été parfait dans le meilleur des mondes.

En Éthiopie, nous avons coutume de dire qu’un ami est plus précieux qu’un verre d’eau dans le désert.

Marc savait pertinemment qu’il était trop tard, il en avait fait la douloureuse expérience déjà tant de fois et pourtant, il implorait le médecin. Elle ne pesait plus rien, la mort était déjà là. Ses yeux se tournèrent vers Marc et il lui prit la main, avec douceur. Le docteur mit la main sur son épaule après un petit signe de tête négatif, avant de se relever pour s’éloigner en jurant contre son impuissance...

À Yem…
À toutes les femmes qui ont refusé un destin imposé par autrui,
À toutes les anonymes qui souffrent encore aujourd’hui,
À toutes les oubliées.
Gilles Milo-Vacéri

Rien à faire, son âme était celle d'une guerrière et la frapper ou même la torturer ne la ferait pas dévier d'un pouce de la vérité. Le deuxième coup de poing lui fit moins las car cette fois, elle s'y attendait et s'était préparée à la douleur. Comme la première fois, elle chuta tête la première sur le sol en ciment et ce fut son arcade sourcilière qui céda. Le sang se répandait sur son visage et l'aveuglait à moitié. De retour sur sa chaise, la même question dut posée.

C'était toujours la même histoire quand on attendait quelqu'un.

Yem ne voulait que réaliser son rêve, devenir une femme libre, une femme qui avait le droit de s'assumer, de travailler, le droit d'être simple d'aimer, de faire des enfants au moment qu'elle choisirait, avec l'homme dont elle serait amoureuse.