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Critique de Archie


Publié en 2008, Un fond de vérité est un polar à classer dans la catégorie des romans noirs, un genre littéraire que j'affectionnais jadis et avec lequel j'ai pris quelque distance, n'y revenant que de temps en temps, en veillant à n'y sélectionner que des grands crus. J'atteste, pour celui-ci, une dégustation savoureuse.

Sans perdre de temps, l'auteur annonce la couleur. Ou plutôt l'absence de couleur. Glaçant ! A quatre heures du matin, tout est noir ou gris aux Archives Nationales de Sandomierz, situées dans l'ancienne synagogue de la ville, et le cadavre sur lequel tombe un généalogiste insomniaque est d'une blancheur anormale. En cette semaine frisquette de Pâques, aucune couleur ne vient réchauffer l'atmosphère une fois le jour levé sur la petite ville provinciale, un trou paumé où le personnage principal, le procureur Teodor Szacki, est venu s'enterrer quelques mois plus tôt, préférant quitter Varsovie après un divorce douloureux.

Le cadavre avait été vidé de son sang, comme une viande casher. le meurtrier s'était inspiré des soi-disants rituels juifs des légendes antisémites d'antan, selon lesquels le sang, notamment celui des enfants, servirait à l'élaboration du pain azyme. N'importe quoi, direz-vous ? Sauf que selon un dicton populaire polonais, « il y a dans toute légende un fond de vérité ». Sauf que dans la bourgade médiévale de Sandomierz, la population avait, jusqu'à la dernière guerre, compté quarante pour cent de Juifs, et que les lieux avaient été, au cours des siècles, au coeur des rumeurs d'enlèvement d'enfants et des pogroms qui s'en suivaient.

De là à ce que le meurtre déclenche des paranoïas de tous bords, il n'y a qu'un pas. D'un côté, celle des traditionalistes fanatiques ressortant subrepticement un vieil antisémitisme refoulé, au nom du fameux fond de vérité, tout prenant garde de ne pas trop sortir du cadre de ce qu'il est autorisé de dire. En face, celle des moralistes acharnés à vilipender l'incapacité de leurs concitoyens à s'affranchir de leur antisémitisme historique.

Ce sont des dérapages que le procureur Teodor Szacki, chargé de l'enquête, s'efforcera d'éviter. Car le champ des possibles est très ouvert. le meurtrier pourrait être un Juif orthodoxe se vengeant d'un acte antisémite dont sa famille aurait été victime dans un passé plus ou moins lointain. Ou un serial killer juif complètement fêlé (les Juifs étant des individus comme les autres, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas de serial killer fêlé parmi eux). Il pourrait être à l'inverse un militant ultra-nationaliste ou un catholique traditionaliste intégriste. Mais le meurtre pourrait aussi résulter d'un tout autre motif, la mise en scène pseudo rituelle ne servant qu'à égarer les soupçons.

Personnellement – j'ai déjà dû l'écrire – je ne suis pas sensible au suspens des enquêtes et l'envie de connaître la clé des énigmes n'est pas à l'origine de mes insomnies. Dans Un fond de vérité, j'ai apprécié l'atmosphère qui imprègne l'intrigue, marquée par les dissensions d'une population toujours en proie à ses vieux démons, et aussi les descriptions expressives de la ville de Sandomierz, une cité historique, paraît-il la plus belle de Pologne, avec sa vieille ville dominant la Vistule, sa cathédrale, son château, son ancien quartier juif, des églises par douzaines, ses murailles médiévales et son très inquiétant réseau de couloirs souterrains.

A la ramasse dans sa vie privée, le procureur Teodor Sacki est droit dans ses bottes lorsqu'il recherche la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. le personnage est de qualité, d'une grande culture, à l'image de l'auteur, l'écrivain et journaliste Tomas Miloszewski, un intellectuel polonais aux idées modérées pro-européennes. L'on peut retrouver l'un et l'autre dans deux autres polars, Les impliqués et La rage.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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