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Citations sur L'offrande sauvage (21)

Pour le décrire, il faudrait des mots qui n'auraient jamais servi aux menteurs, des mots frêles comme des coquilles d'amande pleines de silence et de larmes, des mots qui résonnent dans la poitrine comme des appels dans un bois.
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Il n'y a rien de plus triste, selon moi, que la détention des animaux qui tirent leur splendeur de leur adaptation à la vie sauvage. Je ne crois pas que la curiosité à l'égard des êtres vivants justifie le spectacle de leur déchéance et de leur chagrin.
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Tout retour au pays natal est une violence qui s'exerce sur la mémoire. Reprendre sa place à nouveau dans la maison de son enfance, après quelques mois ou quelques années, c'est faire sauter d'un coup de ciseau sacrilège le vernis protecteur que l'éloignement a répandu sur notre passé. Alors nous retrouvons dans toute leur intensité, rafraîchies par notre souffrance, les impressions que nous avions laissées en l'état sans le savoir. Ces petites résurrections ne sont pas toujours des bienfaits. A l'instant où nous revoyons dans leur cadre toutes ces choses que la nostalgie avait figées, nous apprenons qu'elles ont subi les assauts du temps, qu'elles ont vieilli de leur côté, autrement que dans notre coeur, sans se préoccuper de nous.
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L'école que va fréquenter Petit Jean n'a rien d'un édifice grandiose. C'est une ancienne étable aménagée, derrière l'église. Il n'y a qu'une classe pour tous. Le curé fait l'instituteur. Assis au milieu de garçons plus âgés que lui, l'enfant respire les odeurs de bouse et de bois qui sont les odeurs de partout, la transpiration des montagnes; et il n'est pas dépaysé. Du matin au soir, ses yeux bleus vont et viennent entre les épaules des grands, et son petit visage d'ours en quête de miel cueille les questions du vieux prêtre avant qu'il ait fini de les poser. Mais à mesure qu'il apprend à reconnaître dans les livres, et à reproduire avec son crayon, les fourmis noires de l'alphabet qui tissent l'histoire du monde, les limites de Col-de-Varèse reculent. Par-delà les conversations dans les granges, les soupirs et les grognements près du feu, les plaintes des vieilles, la colère des bergers rappelant leurs chiens dans la brume et le tintement des clarines, l'écolier perçoit les milliers de vies qui l'attendent comme des ombres dans la forêt.
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En mars, il a découvert un sentier à moitié comblé par les ronces où même le démon qui a des yeux partout n'aurait pas l'idée de fouiller. Dès qu'il est libre, l'écolier vient rêver dans ce long tunnel de broussailles. Il ne touche pas aux nids mais observe les insectes qui se déplacent sous leurs carapaces tragi-ques. Croyez-moi. Le monde est peuplé d'âmes captives que l'on ne délivrera pas en soufflant dessus. Chaque gouttelette de vie est détenue dans une roulotte précaire entourée de cornes, d'antennes, d'élytres, de pattes, de mandibules. Chaque particule s'active jusqu'à la mort dans sa prison. L'enfant se penche, s'agenouille. Il voudrait pouvoir regarder autrement que l'œil ne les voit tous ces pièges de solitude où la vie un instant s'est prise, s'est engluée, dans l'attente des délivrances.
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Croyez-moi. Toute vie est faite de jours, de nuits et de souvenirs. Mais le hasard est un animal affamé qui ne dort pas deux fois au même gîte. Depuis que j'observe le monde, j'ai souvent vu des hommes de valeur perdre en quelques foulées, la voie heureuse et ne jamais la retrouver malgré leurs mérites.
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Puis il y eut cette journée d'avril 1939, où il sentit pour la première fois la vieillesse le pénétrer, non comme un hiver aux neiges lentes, qui paralyse les désirs, mais comme un printemps dévasté, une absence de renouveau. Ce jour-là, le dégel brisait des paquets de lumière sur un versant de la montagne et l'élégante madame Jardre avait pris l'autocar du samedi pour faire des emplettes dans les magasins de la ville. Bienvenu ne quitta pas la chambre de la matinée, si bien que la vieille Bobette vint lui demander plusieurs fois s'il avait besoin de ses services.
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Croyez-moi. Le silence n'est pas l'oubli. Toute parole qui n'a pas été prononcée quand c'était l'heure fait une piqûre d'épingle dans la trame du souvenir.
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L'amour de Narcisse et de Thélonia, pour ce que j'en sais - tant pis si je ressasse les mêmes mots comme une mer qui n'a pas le choix des galets sur lesquels elle vient mourir -, ce fut un amour délivré du soin de paraître et de toute draperie ou solennité, une ivresse, un emballement. Pourquoi, sous prétexte, qu'elle aurait eu lieu avant la guerre, devrais-je évoquer cette rencontre par des mots couleur sépia ou par des images jaunies? Il me faudrait, tout à l'inverse, une langue qui n'a pas été inventée, celle qui a toujours manqué à l'amour alors même qu'il nous la faisait espérer. Une langue pour le vertige, le délice, la suffocation et les larmes, qui garderait dans ses conjugaisons de temps perdus l'odeur des ardoises mouillées, proche de celle des cheveux ouverts sur les draps, le bruissement de la neige quand elle tombe, difficile à distinguer du dégrafement d'une robe, la splendeur des coupoles dans le brouillard comme une buée sur des seins, les coups de râpe de la bise, quand elle défait les pâtures sous le ventre tiède des bêtes, et l'amertume des miels noirs.
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Croyez-moi.
Toute vie est faite de jours, de nuits et de souvenirs.
Mais le hasard est un animal affamé qui ne dort pas deux fois au même gîte.
Depuis que j'observe le monde, j'ai souvent vu des hommes de valeur perdre en quelques foulées la voie heureuse et ne jamais la retrouver malgré leurs mérites.
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