Citations sur La chasse (92)
Il n'était pas dupe cependant. Il savait que cette émotivité était inhérente à ce qu'il était en train de vivre. Que c'était un des nombreux tours que Dame Nature lui jouait pour l’attendrir, le préparer à son rôle de père. Et que derrière nos parades nuptiales, les élans de nos cœurs, nos promesses et nos engagements, il ne s'agit pour elle que d'une seule chose : assurer la survie de l'espèce, le cycle infini de la reproduction, de la naissance et de la mort.
Plus personne ne voulait être flic désormais. Ce métier était devenu le bouc émissaire de toutes les frustrations et de toutes les rancœurs.
Aucun criminel ne fait montre de plus de cruauté que celui qui se croit d'avance absous de ces crimes par une cause qu'il pense juste .
Epoque de virus. Punitive, mortifère, purificatrice, qui avait trouvé son symbole : le masque. Posé comme un bâillon, comme le signe de reconnaissance d’une société muselée, hygiénisée, et aussi perdue et aux abois.
Il se plaça sans s'asseoir à une extrémité de la table, les mains sur les hanches. Comportement territorial. Affirmation de son autorité. Posture classique. Il embrassa ensuite l'assistance du regard.
Le feuillage formait un plafond presque impénétrable au-dessus de leurs têtes mais, par moments, la lune parvenait à se glisser entre les feuilles.
- Bon Dieu, c'est pas vrai ! s'exclama-t-elle. Ne me fais plus jamais ça ! Tu m'as fichu une de ces trouilles !
- On dit " foutu " de nos jours, fit-il remarquer.
- Ouais, ben, si les gens parlaient mieux, ça les rendrait peut-être un peu moins cons, rétorqua-t-elle.
Partout dans le pays, c'était la même rage désinhibée, le même effondrement de l'autorité. Une vraie guerre, qui avait lieu tous les jours dans la rue. Une guerre perdue d'avance tant que les flics seraient livrés à eux-mêmes, méprisés ou abandonnés à leur sort par les juges, sous-équipés, et honnis par certains de ceux qu'ils étaient censés protéger...
La forêt recouvrait les collines, la nuit recouvrait la forêt, la peur recouvrait ses pensées. Sa peur avait un son - celui de sa propre respiration terrorisée et de son cœur qui battait -, elle avait une odeur - celle de sa transpiration et de cette chose puante sur sa tête -, elle avait une couleur : noir, noir de la foret, noir de l'âme de ces hommes, noir de sa propre peau.
La forêt recouvrait les collines, la nuit recouvrait la forêt, la peur recouvrait ses pensées.