L’Église elle-même, depuis le Xe siècle, est hésitante, partagée : d’un côté elle loue Charles en tant que propagateur du christianisme chez les païens et vainqueur des musulmans, et d’un autre côté elle le condamne comme usurpateur des biens d’Église et agent de la mainmise laïque sur les nominations d’évêques et abbés, considérés comme de simples auxiliaires de sa politique.
La Provence a toujours été mal intégrée dans l’ensemble franc, où elle occupe pourtant une position stratégique : elle contrôle les routes alpines vers une Italie tantôt amie, tantôt ennemie, où se succèdent Byzantins, Ostrogoths, et depuis peu Lombards, des gens potentiellement utiles ou dangereux suivant les circonstances. Et puis, la Provence, c’est le seul accès à la Méditerranée pour le royaume mérovingien ; par là arrivent les marchandises de l’Orient mais aussi de mauvaises surprises, comme les incursions sarrasines, qui se multiplient à la fin du VIIe siècle à partir des îles, Sardaigne et Sicile.
Le merveilleux occupe une place primordiale dans la production littéraire, y compris dans les ouvrages à prétention scientifique, où l’imaginaire déborde largement le réel. Ainsi au début du VIIIe siècle paraît la plus ancienne description médiévale d’êtres monstrueux, le Liber "monstruorum" de "diversis generibus", où l’on parle des femmes à barbe d’Arménie, qui utilisent tigres et léopards comme chiens de chasse, des géants noirs cannibales de la mer Rouge, des Orientaux mangeurs de miel sauvage et de viande crue, des animaux fantastiques tels que les cynocéphales, ces hommes à tête de chien, au sujet desquels même saint Augustin se posait des questions.
Ainsi, le manuel intitulé "Excerptum", de Grégoire III, datant des années 730, prévoit trois ans de pénitence pour un acte de fornication répété, avec en plus privation de la communion si l’acte a été commis avec une juive, sept ans pour acte de pédérastie, dix ans pour un acte de bestialité. On entend par pénitence essentiellement le jeûne, consistant à ne pas prendre d’aliments jusqu’au soir, en se contentant d’un seul repas, sans viande et sans nourriture riche ou cuite à l’eau. Quel pécheur tiendrait trois, sept ou dix ans à ce régime ?
Et puis, autre signe de romanisation des institutions : dans presque tous les royaumes barbares, on procède à la mise par écrit des lois : le VIe siècle est la grande époque de rédaction des codes : code wisigothique dès la fin du Ve siècle, loi burgonde (vers 510), Bréviaire d’Alaric, lois de Théodoric, des Alamans. Les Francs, saliens et ripuaires, participent à ce mouvement. Entre 508 et 511, Clovis fait rédiger le Pactus Legis Salicae, la Loi Salique, dont le texte le plus ancien, en 65 chapitres, est en latin.