Comme souvent dans les régimes de dictature, les esprits rebelles se réconfortent par des plaisanteries : « Quelle est la différence entre une panthère, Morny et l’empereur ?
Réponse : il n'y en a pas. La panthère est tachetée par nature. Morny est acheté par tout le monde. Et l'empereur est à jeter par la fenêtre. »
Curieusement, l'opinion publique prend parti pour le président qui annonce de sévères économies.
Elle le plaint d'en être réduit à l'extrémité de vendre une partie de son écurie. Il lui en reste quand même assez pour parader dans les revues et promener Miss Howard, dont les parures de bijoux étincellent au bois de Boulogne, où les dames du grand monde affectent toujours de ne pas la saluer.
Louis Napoléon se réconforte aussi à sa manière habituelle en resserrant une fois de plus son gouvernement.
Pas de surprise pour Victor : «II lui faut quelques zéros de plus à son budget, il ne se contente pas des zéros qu'il a ajoutés à son ministère. »
« On m'a quelquefois demandé de quoi je me mêlais. Je me mêle de mes affaires. Les libertés des peuples, ce sont là mes affaires. »
Morny sait que la majorité absolue pour la révision n'est plus sure, pour un peu, il jugerait les députés comme le fait ce Victor Hugo au talent détestable mais si lucide : « Ces pauvres êtres effarés, ils n’étaient pas bien sûrs de n'être pas déjà guillotinés, et s'en allaient chercher leurs chapeaux pour voir s'ils avaient encore leurs têtes.»
Durant toute cette période, Napoléon III a navigué habilement entre toutes les composantes de son pouvoir qui se reflétaient jusque parmi ses proches: «L'impératrice est légitimiste, Morny est orléaniste, le prince Jérôme est républicain, moi, je suis socialiste, le seul bonapartiste, c'est Persigny, mais il est fou ! »
"Le gouvernement....siège en faisant semblant d'ignorer le président de la république qui fait lui-même semblant d'ignorer le gouvernement en dessinant des petits bonshommes sur ses dossiers et en confectionnant des cocottes en papier pendant le conseil des ministres".
"J'ai lu dans le Journal des débats qu'un brave paysan interrogé à votre sujet (Louis napoléon Bonaparte) aurait répondu : "Il paraît qu'il n'est pas très fort, mais bon, il prendra un bon commis". C'est avec ce genre d'opinions que l'on gagne une élection."