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Critique de Musa_aka_Cthulie


Je n'aime pas ce roman, je ne le déteste pas. Par conséquent, je ne suis ni d'accord avec les personnes qui le conspuent complètement, ni avec ceux qui en font l'éloge. Il faut préciser que c'est mon septième Modiano (car oui, j'ai compté), et que je commence à savoir à quoi m'attendre (donc j'évite les déceptions). Je sais pourquoi je lis Modiano de temps à autre : ça se lit vite, je suis habituée à l'auteur, ça ne me demande pas trop d'efforts et je ne prends pas de risques.


Je suis agacée comme d'autres par le fait que, ici, Modiano nous traîne derrière lui dans je ne sais combien de rues parisiennes ou autour de Paris, ce qui donne immédiatement l'impression que le roman est écrit pour des Parisiens - et d'ailleurs combien de fois n'ai-je pas lu que c'était délicieux de se retrouver avec Modiano dans les rues parisiennes. On ferait le même coup aux mêmes lecteurs avec les rues de Brest ou de Dijon, ça énerverait tout de go les lecteurs en question. Bref, c'est parti pour traverser le Pont des Arts, se promener du côté de la gare d'Austerlitz, longer le boulevard Saint-Michel, se rendre place de la Contrescarpe, ou encore aller à Nogent et au Perreux. Notez que je n'ai retenu qu'une partie d'endroits que je connais et que je vous ai fait un résumé très court du périple parisien de Modiano dans Fleurs de ruine. Notez également que tout ça, je m'y attendais et que ça ne m'agace en fait que modérément - je suis blasée.


Comme de bien entendu, en sus de nous balader dans Paris et ses environs, nous faisons des allers-retours dans le temps : années trente, années soixante, et 1990 (année d'écriture). Comme de bien entendu, il est question d'une certaine Jacqueline, l'amoureuse du narrateur dans les années soixante, comme dans tous les livres de Modiano, du moins est-ce l'impression que j'ai au bout de six romans et une pièce de théâtre.


Et comme de bien entendu, on va suivre le narrateur à la recherche de lieux et de personnages de son passé, passé qui lui échappe irrémédiablement. J'ai eu la sottise de croire, à cause d'une affaire de double suicide en 1933 mentionnée tout au début et qui réapparaît de temps à autre, puis de moins en moins, puis plus du tout, que ce roman serait peut-être un peu différent du reste de ce que j'avais lu. Non. Ce n'est qu'un prétexte pour parler des éternels mêmes sujets : une ancienne amoureuse, un père ambivalent, un frère disparu jeune, certaines relations louches de la mère, des gens croisés un temps et disparus, un passé qu'on tente de retrouver alors que c'est chose impossible. Je comprends la frustration de ceux qui se sont sont laissées prendre au coup du double suicide mystérieux ; je me suis moi-même laissée prendre en partie, jusqu'à ce que je comprenne que, décidément, non, Modiano n'allait pas tenter de se renouveler un tout petit peu. Il s'agit juste d'utiliser un fait divers pour permettre au narrateur d'établir des liens très ténus entre différentes époques, et de rêver s'approcher de personnages énigmatiques perdus de vue.


Après avoir refermé le livre, j'ai vaguement pensé à Duras et à Moderato Cantabile à cause de cette histoire de double suicide. Sauf que Duras a eu beau travailler sur les mêmes obsessions pendant toute sa carrière (et ça, je n'ai rien à y redire), et si elle s'est parfois répétée, elle s'est aussi renouvelée, et elle a particulièrement transcendé la question du fait divers dans Moderato Cantabile. À l'inverse, pour moi, Fleurs de ruine n'est qu'un condensé de Modiano. Ça donne une idée générale de ce qu'écrit Modiano, mais ça n'est pas le roman le plus intéressant de sa carrière. Et c'est un roman qui tourne en rond, mais ça, je ne le reproche pas à l'auteur, parce que c'est justement le but qu'il s'est assigné : montrer comment il tourne en rond à se dépêtrer dans son passé. C'est juste qu'à mon avis, il l'a mieux fait dans Remise de peine - je sais que je cite tout le temps Remise de peine à propos de Modiano, mais c'est le seul roman de lui que je trouve vraiment réussi...


Étonnamment, si j'écrivais un court roman où je raconterais que la première fois que je suis allée à Nogent-sur-Marne, je ne savais pas si je devais tourner à gauche ou à droite en sortant de la gare, que j'ai tourné à droite et que je me suis retrouvée devant le panneau le Perreux alors que j'allais à Nogent, qu'ensuite j'ai fini par trouver mon chemin, que j'allais chez quelqu'un de ma famille qui depuis n'habite plus là-bas, que je ne retournerai donc probablement jamais dans l'immeuble où cette personne habitait, que je me souviens pourtant de l'ancienne gare qui avait été réhabilitée en logements et que j'aimerais bien revoir, que j'aime particulièrement les gares, qu'à chaque fois que je passe en TGV devant la gare où j'ai grandi je colle le nez à la fenêtre du train mais que je ne retourne jamais là-bas, que de chez moi, j'aime bien entendre les trains qui passent, et que j'aime bien passer par certaines rues de ma ville et pas par d'autres... Eh bien, si j'écrivais ça distillé sur une centaine de pages et que j'envoyais le tout à la maison d'édition du Seuil, je suis à peu près certaine que je ne serais pas publiée. Allez savoir pourquoi !
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