La mer cruelle conte l'épopée de la Navy face aux U-Boote et l'intérêt du récit est de ne pas se limiter pas aux combats mais de débuter par la mobilisation et l'entrainement des équipages, la construction des navires, et de consacrer une large part du texte à « l'arrière », au sort des parents, des conjoints et des enfants subissant des bombardements destructeurs (Liverpool). Il décrit également la détermination héroïque des personnels féminins (WREN : Women's Royal Naval Service) soumis aux vicissitudes de la mer et de la guerre.
Scindé en 7 chapitres (un par année de conflit) le récit montre les progrès techniques (radars) et les évolutions tactiques qui permettent, en 1943 d'établir l'équilibre, puis d'assurer la supériorité. Paru aux débuts des années cinquante cet ouvrage est évidemment discret sur Enigma et « les écoutes » permettant à la Navy de décrypter le plan allemand.
L'intrigue repose sur deux réservistes : le Capitaine de Corvette Ericson et Lockart, un journaliste, qui devient le bras droit d'Ericsson d'abord sur l'escorteur Compass Ross, puis sur un destroyer quand Ericson est promu responsable de la totalité d'un convoi. Ceci offre une double perspective : au ras des flots d'abord, dans l'Atlantique, le Golfe de Gascogne, la Mer du Nord, avec des convois vers l'Amérique, Gibraltar et Mourmansk, puis, plus haut, sur la passerelle, dans la seconde moitié de la tragédie. le lecteur passe, si je puis dire, de
Roger Vercel, dans les soutes, à
Edouard Peisson, au carré des officiers.
Mais l'originalité de ce texte est la large part consacrée « à l'arrière ».
Nicholas Monsarrat décrit l'attente des épouses, l'angoisse des parents (la belle mère d'Ericson s'installe chez sa fille … occupe le fauteuil de notre Capitaine de Corvette … qui se retrouve ainsi confiné dans sa sweet home). L'auteur montre l'inconséquence des ouvriers des chantiers navals au début du conflit alternant joyeusement jeux de carte et grèves pendant que les navires sont décimés. Puis il décrit le carénage dans un chantier américain aux méthodes autrement plus industrielles. L'arrière ce sont aussi, dans chaque port, les fiancées, les amoureuses, mais aussi les femmes infidèles profitant de l'absence de leur mari …
La mer est cruelle, la météo est cruelle, la guerre est cruelle, peu de marins du Compass Ross survivent au conflit ; idem pour leurs ennemis.
Au bout de soixante huit mois de conflit, en mai 1945, Ericson confesse « je dois avouer que je suis bigrement fatigué » … Un des meilleurs romans sur le guerre navale car le plus « humain » me semble-t-il, donc le plus « vrai ».