troisième tome des aventures de notre orpheline, la rousse et imaginative Anne. Cette fois-ci, le roman nous permet de suivre ses trois années d'université, avec des ami(e)s déjà croisé(e)s et de nouvelles rencontres.
Si le style est toujours agréable, s'il y a toujours des passages d'une grande beauté et poésie et qui expriment si bien les sentiments (émotion lors du décès de ....), j'ai été moins enthousiasmée par le récit cette fois-ci. Davy et Diana sont assez absents du volume, ce qui en enlève pour l'amitié et l'humour. le nouveau personnage de Philippa m'a profondément agacée au début et je n'ai ensuite pas réussi à m'y attacher vraiment malgré son changement de caractère.
C'est un volume résolument tourné vers la découverte du sentiment amoureux. Anne, si habile à exprimer sans détour ses ressentis quant aux gens ou à la nature, se retrouve ici bien indécise: elle tergiverse, s'emballe, se rétracte, gamberge et surtout tâche d'éviter le sujet grave du mariage, tandis qu'autour d'elle les mariages justement se multiplient et les romances éclosent à tout va (je ne les ai pas comptées, mais je dirai : trop pour moi!). Finalement, elle y succombe elle-même, deux fois si on peut dire.
J'avoue être un peu déçue de l'évolution du personnage. Je dirai que Anne s'affadit un peu, perd son originalité et son caractère flamboyant en grandissant pour devenir conforme aux attentes de son époque, alors que son enfance pouvait laisser entendre un peu plus de caractère et un destin moins "sage". Elle m'a fait penser aux héroïnes de
Louisa May Alcott (Joséphine March) ou de
Jane Austen (Emma, par exemple) : au delà des envies d'indépendance, de liberté, il y a la réalité et la conformité sociale nécessaire du mariage, une femme s'accomplissant dans le rôle d'épouse et de mère (même si la première maternité de Diana est curieusement et hélas expédiée en un paragraphe). Certes, l'autrice se conforme à son époque, aux attentes de son éditeur et de son lectorat certainement traditionalistes, mais au début du XX°s, il y avait déjà un peu plus d'indépendance féminine (Anne et ses amies vont à l'université !) et on aurait pu espérer que nos demoiselles soient des pionnières et non "des gardiennes du temple". Je lis cette histoire avec mes yeux de femme du XXI°s très indépendante, j'en suis bien consciente, mais je trouve quand même qu'il y a un gouffre entre l'indépendance et rêves de l'enfance d'Anne et ce qu'elle est en passe de devenir. Pour moi, l'autrice se retrouve aussi dans un entre-deux avec son héroïne : du romantisme et du prosaïsme/du pratique, vers le mariage mais pas trop vite, de l'indépendance mais de la conformité ... Je trouve qu'elle en fait trop parfois dans un sens et expédie parfois certains aspects : il aurait été par exemple intéressant de voir comment évoluent les relations entre Diana et Anne : deux amies de coeur, l'une se marie, l'autre va à l'université : n'ont-elles maintenant plus rien à se dire ? Quand Anne tergiverse face à Roy et à Gilbert, Diana n'aurait-elle pu être d'une aide précieuse ? Certes, Anne est l'héroïne et donc le centre du récit, mais à la lecture on pourrait croire que Redmond l'a coupé complètement de Green Gable et de ceux de qui elle était si proche auparavant. Paul, M. Harrisson, et même mme Lynde et Mariella ne font finalement que de brèves apparitions et c'est bien dommage....
Je lirai la suite, même s'il paraît que le tome suivant est moins bon, mais le cinquième meilleur....