Ca va être fort difficile de te parler de ce livre. Fort difficile parce qu'il a suscité en moi d'étranges émotions que je ne sais vraiment décrire...
J'ai été littéralement ensorcelée dès les premières pages...la tournure, la manière, ce que l'on appelle communément le style même si cela ne veut pas dire grand-chose. Les mots que certains qualifieraient de vulgaire qui pourtant, placés juste là où il faut, à la manière de Despentes, deviennent presque de la poésie. Etre cru ou vulgaire dans un récit, c'est tout un art.
Choqué ? Certains le seront peut-être. Moi, j'adore quand on appelle un chat un chat. Encore plus lorsque c'est fait avec brio. Bref vais pas m'étaler sur la bienséance qui est au final propre à chacun. Quoi qu'il en soit, j'ai adhéré passionnément !
C'est plutôt bien parti quand l'intrigue prend place dans les quartiers juste à côté d'où tu as vécu plusieurs années. D'autant plus quand l'auteure est capable de t'en faire ressentir chaque odeur, même celle de la betterave qui va pourrir tes narines. Te faire voir chaque image, chaque tache de rousseur qui finiront par t'omnublier. de placer une atmosphère puissante à t'en faire tourner la tête.
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Taches rousses", c'est une alternance de chapitre entre Beck et Wes à la première personne pour chacun d'eux.
Beck, c'est une nana qui tente tant bien que mal...plutôt mal...de faire sa place dans le milieu du cinéma depuis que sa soeur a disparu voilà bien des années. Elle couche avec un agent réputé et joue un meilleur rôle dans la vraie vie qu'à l'écran.
Wes, lui, c'est un drôle de type. Dès le départ tu comprendras qu'il ne fait pas dans la dentelle. Il a de la tune sans qu'on sache d'où elle vient et semble imbibé de l'odeur du sang.
Il y a ce quelque chose de primaire, de primal, chez ces personnages qui les rend vrais, justes, authentiques. Qui les rend puissants comme je l'ai rarement vu.
Ils errent tous deux dans ce Los Angeles mis à mal par un tueur en série franchement terrifiant. L'auteure a réussi à créer un de ces tueurs uniques, de ceux qui se distinguent, qui ne s'oublient pas.
Les explications te viendront d'elles-mêmes sans qu'elles soient données comme telles.
Elles arrivent au gré des choses, presque au gré du vent et tu les saisis l'une après l'autre pour reconstituer le puzzle. Des sous-entendus à demi-mot, des descriptifs déposés nonchalamment ici ou là, que tu pourrais même zapper si tu n'es pas attentif et qui, pourtant, donnent des pistes que tu devras suivre le nez collé aux pages comme le chien la truffe au sol.
Un premier roman déroutant, brut, vif, percutant, incisif, caustique, troublant, sarcastique, étrange, déstabilisant, perturbant...la liste est longue et pourtant je n'ai pas l'impression d'avoir trouvé le mot juste. Ce qui est juste, par contre, c'est qu'il est difficile de croire que ce soit un premier roman tant l'aboutissement est grand.
Des répétitions, des anaphores, des mots qui se répètent encore et encore pour enfoncer le clou plus encore. Pour t'ensorceler, te tenir captif de ce récit que tu ne peux lâcher. Des émotions, beaucoup d'émotions. Rotor de bout en bout. Et puis ce truc que tu vois rarement: cette sensualité puissante qui se dégage de chaque page.
La fin est puissante, douloureuse, perverse. Les révélations m'ont bouleversé. Là tout au fond de moi et je ne sais pas vraiment te dire pourquoi. Une chair de poule qui n'est pas liée à l'horreur, mais plutôt à ce que je ressentais de si contradictoire, de si ambigu face à ces personnages qui le sont plus encore. de me retrouver devant un tel drame, une telle horreur et pourtant éprouver une forme de compassion ou alors...est-ce de fascination dont il est question ?
Je ne sais que te dire de plus pour t'en convaincre, mais je pense que t'as capté ...
C'est brillant... Non...C'est MAGISTRAL !
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