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Critique de Alfaric


Michael Moorcock : "Tout ceci est pur divertissement, et si vous y dénichez quoi que se soit de cérébral, je vous conseille de respirer profondément et de vous détendre. C'est tout l'intérêt de cette littérature !"

C'est délicieusement désuet certes mais daté voire vieillot pour la plupart des lecteurs actuels, assez basique, voire parfois culcul la praline, bref c'est loin de casser 3 pattes à 1 canard : en SF comme en Fantasy, ses prédécesseurs ont écrit beaucoup mieux, et lui-même a d'ailleurs écrit beaucoup mieux...
Mais au-delà du pur divertissement sans prise de tête et de l'hommage aux maître du pulp annoncés par l'auteur, l'intérêt est ailleurs que dans la qualité car on voit évoluer dans son style et dans son imaginaire un incontournable de la SFFF, et rien que pour cela c'était très intéressant.


Concernant le "Guerrier de Mars" :

Globalement on retrouve la prose fluide, rythmée et efficace de l'auteur qui connaît bien son métier, mais chez le prolifique maître britannique, il existe 2 sortes de cycles :
- ceux qui se bonifient au fil des récits
- ceux qui se délitent au fil des récits
"Le Cycle du Guerrier de Mars" est plutôt une bonne surprise puisqu'il appartient plutôt à la 1ère catégorie.

"La Cité de la bête"
"Le Seigneur des araignées"
"Les Maîtres de la fosse"
Comme vous l'aurez remarqué, en mettant en avant le moment le plus palpitant et le plus exotique du récit, les titres font office d'illustration de couverture qu'on parvient sans peine à imaginer.

Car grâce aux leçons qu'il a reçu d'un maître d'armes franco-russe et d'un caprice du destin, Michael Kane l'homme de science va s'échapper de la médiocrité de son quotidien pour devenir un héros sauveur de planètes, secoureur de civilisations et pourfendeur de monstres ("Doctor Who" copyright). Et ce à notre plus grand bonheur car cela permet d'assouvir la soif d'aventures de l'auteur et de ses lecteurs !

Entre Howard le fondateur de l'héroïc-fantasy et Edmond Hamilton le spécialiste du space-opera vintage, Michael Moorcock nous livre une trilogie éminemment pulpienne dans la grande tradition d'Edgar Rice Burrough en lorgnant évidemment sur les aventures martiennes de John Carter.
Et c'est avec un esprit tout britannique qu'il aborde le très rempli cahier des charges du roman-feuilleton : chaque chapitre doit être un récit en soi avec une aventure, un péril extrême, une situation désespérée, un sauvage miraculeux et un rebondissement qui nous amène vers de nouvelles péripéties... Et dire que tout cela commence à la terrasse d'un café de l'arrière pays niçois !

Bien sûr ces incroyables successions d'événements avec leurs lots de redondances et d'invraisemblances sont peu crédibles, mais qu'importe puisque qu'on peut retrouver avec plaisir les héros intelligents, beaux, musclés, courageux et généreux, les amis loyaux jusqu'à la mort, les ennemis fourbes et retors à souhait, et les demoiselles particulièrement bombesques pas forcément si en péril que cela...
Toute une époque désormais révolue pour le meilleur comme pour le pire.

On notera toutefois que "Le Seigneur des Araignées" et "Les Maîtres des Fosses" sont construits exactement dans le même moule :
un régime tyrannique à renverser, une quête, une découverte, un rallongi occidental avec moult péripéties et un danger extrême exotique, un retour à la civilisation, une solution provisoire, mais un nouveau danger et de nouvelles péripéties...
Toutefois le fond et la forme gagne au fil du temps en qualité et en densité tandis que s'esquisse ce qui va devenir l'Eternel Champion (et l'Eternel Compagnon) : on trouve ici et là les brouillons d'Elric (le héros tourmenté et ses amours impossibles), de Corum (géant bleus = Fhoi Myore ? Hool Haji = Goffanon/Ilbrec ?), d'Erekosë (l'humain lamba emporté dans le tourbillon du temps pour devenir un héros béni/maudit), d'Hawkmoon (le côté post apocalyptique, les technologies disparues, les régimes totalitaires dystopiques) et même du psychiatre hospitalier qui remonte le temps à la recherche de Jésus Christ dans la cultissime nouvelle "Voici l'Homme"...
C'est plus dans les impressions que dans les faits, et j'aurais sans doute du mal à argumenter bien précisément, mais il y a sans conteste matière à une belle étude littéraire !!!


Concernant "les aventures de Sojan" :

Dans ces nouvelles alimentaires destinées à alimenter les magazines à la fin fiveties, la filiation avec Howard apparaît encore plus clairement : Conan, Kull et peut-être même El Borak sont des modèles évidents pour ce Sojan Porte-Bouclier, mercenaire barbare venu du Nord qui a gravi tous les échelons militaires de l'Empire d'Hatnor, qu'il a sauvé à plusieurs reprises d'envahisseurs ou de comploteurs, avant de repartir de nouveau à l'aventure...
D'ailleurs son infiltration sur l'île de Rhan ressemble à s'y méprendre à celle de la Tour de l'Éléphant par Conan dans la nouvelle du même nom... Une Immortelle Théocratie de Rhan qui par ailleurs fait immédiatement penser à celle de Pang Tang (les grands méchants du "Cycle d'Elric" ndt).

Le tout est chaleureusement accompagné par une ambiance capes & épées et/ou pirates & flibustiers dans laquelle les bateaux sont remplacés par des dirigeables, qui pourrait annoncer certains planet-opéra vanciens (et peut-être même un Frey si on remplace en plus le décor héroïc-fantasy par un habillage western...).

Par contre j'ai ressenti dans la dernière nouvelle de Sojan un frémissement qui annoncerait presque celles de Karl Eward Wagner concernant Kane... Et ce dernier ne s'y est pas trompé en n'hésitant pas à rendre hommage au maître britannique en faisant apparaître sa plus célèbre création dans l'une d'entre elle (le Prince des Ruines Elric de Melniboné ndt)

Fort heureusement pour la fantasy en particulier et la SFFF en général, le très prolifique et le très imaginatif Michael Moorcock n'est pas resté bloqué à la fin des années 1950 à faire du sous-Howard : il a suivi ses propres voies et comme certains de ses héros, en défrichant d'innombrables pistes il a fait émerger du néant des pans entier des littératures de l'imaginaire.


Concernant "La Sorcière perdue" :

C'est avec une toute autre exigence et une toute autre ambition qu'un Michael Moorcock plutôt en fin de carrière nous offre un hommage à Leigh Brackett la Reine des pulps, qui épousa Edmond Hamilton précédemment cité, avec son capitaine John Mc Shard quelque part entre John Wayne, Capitaine Flam, Lord Greystocke et Doc Savage !
(pas trop difficile à démasquer ce Tan-Arz élevé par des primates mercuriens et ramené dans les Îles Britanniques par son oncle paternel).
Mais c'est quand même rageant de voir que quand il s'en donne les moyens, Michael Moorcock fait bel et bien partie des meilleurs écrivains de SFFF, car il a quand même écrit pas mal de récits complètement en dilettante...
… Alors que dans le cas présent j'en aurais volontiers redemandé !!!


En bref :
- parfait comme littérature de pur divertissement pour se reposer les neurones entre 2 pavés plus ou moins truffés de longueurs calculées, surtout si vous êtes nostalgiques des pulps de SF, de Fantasy ou tout simplement d'aventures...
- très intéressant pour les fans de Michael Moorcock pour voir l'évolution d'un monument qui a marqué de son empreinte les littératures de l'imaginaire
- complètement dispensable pour les autres qui trouveront bien mieux ailleurs !
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