Après s'être déjà énormément dévoilé –mais de manière indirecte- dans ses plus grandes oeuvres (La créature du marais, V pour Vendetta…),
Alan Moore révèle quelques pans autobiographiques de sa personnalité. le texte de
la coiffe de naissance, écrit à l'occasion d'un spectacle donné pour son 42e anniversaire, est ici repris et illustré par
Eddie Campbell qui effectue un travail tout en nuances et en inspirations. Au milieu de ses propres dessins, tout de noir et blanc vêtus, se glissent Jérôme Bosch, Billy Stockman Tjapaltjarri ou Hokusai, comme de brefs appels à une communion élargie.
En se focalisant sur
la coiffe de naissance –une fine membrane qui recouvre la tête du bébé à la naissance et sur laquelle sont imprimés les traits de son visage-,
Alan Moore cherche à nous révéler l'importance des détails. La coiffe devient l'allégorie des masques que nous empruntons dans nos existences pour limiter la casse et renforcer l'intégration sociétale –mais à quel prix ? La mise au rebut de sa personnalité, les imitations de débuts de vie factices, la perte de son identité profondes, sont des thèmes qu'
Alan Moore aborde avec une naïveté qu'on lui connait peu et sur un mode poétique désabusé, sans tragédie ni éclats. La traduction aurait-elle fait perdre de sa noblesse à
Alan Moore –de cette noblesse lyrique qu'on lui connaissait dans la créature du marais ? Malgré ces défauts de style qui donnent l'impression de lire le plaidoyer mécontent d'un adolescent qu'on aurait privé de sortie, émergent parfois des vérités profondes qui réussissent à bousculer notre assurance de lecteur pour nous interroger.
Et puis le langage se déconstruit peu à peu.
Alan Moore revient à ses plus jeunes âges, retranscrit les premières frayeurs et les premières blessures. A notre tour de retourner sur notre enfance et de nous souvenir des abandons et de la survenue de la mort. Serait-ce à ce moment-là que nous avons commencé à nous fuir ? Régression, régressions… nous inscrivons à nouveau notre visage à l'intérieur de
la coiffe de naissance, et plus loin encore, nous remontons le long de l'échelle de l'évolution. du microscopique au macroscopique,
la coiffe de naissance inscrit l'individu à la fois dans son insignifiance mais aussi dans la grandeur de son appartenance au phénomène de la vie.
Parce que ce récit est autobiographique, il se fait moins fulgurant que les pures oeuvres de fiction d'
Alan Moore. Ici, il prend la pose même s'il s'en défend –peut-on éternellement se passer de sa coiffe de naissance ? Et cependant, le résultat parvient encore à nous troubler d'une manière toute personnelle. En parlant de lui,
Alan Moore réussit brillamment à parler de tous…
Lien :
http://colimasson.over-blog...