Touffeur insoutenable, humidité forcenée pluies torrentielles et, lorsque le temps devient beau et frais, comme en hiver, la brillance inouïe de la lumière et l’excès de faste dans les couleurs font qu’en Inde l’homme vit toujours un peu au-dessus de ses sens, dans un état angoissant de perpétuelle incrédulité existentielle.
Je veux dire que tu devrais sentir l’Inde comme, dans l’obscurité, on sent la présence de quelqu’un qu’on ne peut pas voir, qui ne dit rien, et qui, pourtant, est là […] Sentir qu’elle est là, qu’elle t’attend.
Là se révèle la capacité des Indiens à transformer tout espace suffisamment vaste en un temple, c’est-à-dire un lieu où la transcendance est indifféremment représentée par une statue de Shiva, ou par des horaires de train.
L’Inde est le pays des choses qui existent et qui n’existent pas, qui vont et viennent, et dont l’existence reste indémontrable par des moyens scientifiques.
Il existe en Inde un autre genre de cauchemar, et c’est la multiplication de certains aspects du mal physique.
Le système social des castes introduit dans les rapports humains, mêmes les plus simples, un rien de grotesque et d’irréel d’autant plus angoissant que personne ne semble capable de s’y soustraire.
La pauvreté indienne, nous l’avons dit, est visible partout surtout dans les villes de Bombay, Calcutta et Madras. C n’est sans doute pas un hasard si les trois ont été fondées par les Anglais, ce qui en fait des villes de type occidental où ce vieux fléau qu’est la pauvreté revêt une apparence moderne.
Le nationalisme indien est semblable au nationalisme européen. Comme ce dernier, il procède du sentiment plus que de l’argumentation rationnelle.
J’irai jusqu’à dire qu’on ne peut réellement comprendre la civilisation européenne si l’on ne connait pas l’Inde.
L’Inde n’est pas un « beau » pays comme peut l’être l’Italie, par exemple, ni « typique », comme le Japon : l’Inde est un continent, dont l’intérêt majeur réside dans le facteur humain.