Ca a commencé comme ça

Liste #4

Les odeurs que je préfère

- la terre mouillée par une averse un soir d’été
- les croissants en train de cuire le matin quand le village est absolument silencieux
- le cuir
- le pelage de Long John Silver quand il a dormi au soleil une bonne partie de l’après-midi
- les parfums poudrés
- les cheveux de ma fille
- les nouveau-nés
- le savon de Marseille
- l’herbe fraîchement tondue
- les livres, neufs ou vieux 

Liste #8 

Remèdes pour soigner un cœur brisé

du temps

du temps

le parfum des roses

le rire de ma fille

du temps

du temps

encore du temps

— Ça sent bizarre, a dit Clélia en jetant un regard perplexe autour d’elle.

— La confiture de groseilles a cramé, ai-je expliqué en déballant la compresse.

— Zut. Tu as perdu des paillettes de licorne alors ?

Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire. Un jour qu’une cliente, qui m’avait couverte de compliments sur ma confiture de mirabelles, me demandait de lui donner ma recette, j’avais répondu, évasive, que j’utilisais un ingrédient secret. Une fois la cliente partie, Clélia avait voulu savoir quel était l’ingrédient en question. Je lui avais répondu que j’y mettais parfois des paillettes de licorne, parfois de la poudre de perlimpinpin et, quand j’arrivais à mettre la main dessus, des gouttes d’arc-en-ciel. Elle avait juré, sérieuse comme un pape, qu’elle ne le dirait à personne. 

J’ai fermé les yeux. Qu’est-ce que je voulais vraiment ? J’ai dressé une liste mentalement.

Qu’il m’embrasse.

Qu’il me caresse.

Qu’il fasse courir sa langue sur chaque parcelle de mon corps.

Qu’il me prenne.

Qu’il me fasse jouir.

Qu’il me fasse oublier jusqu’à mon nom.

Qu’il me dise enfin s’il était James Bond ou Hannibal Lecter.

A 6 contre 1, la raison perdait. 

Il s'est approché aussi vite que sa bedaine proéminente le lui permettait : Raymond n'était pas le dernier à profiter de mes talents de pâtissière et il avait décidé une bonne fois pour toutes qu'il n'y avait pas d'heure pour boire. "Après tout, comme il aimait à le répéter à qui voulait l'entendre, c'est toujours l'heure de l'apéro quelque part dans le monde, pas vrai ?"

J’ai contemplé son dos musclé qui tendait le tissu de son T-shirt noir et ses fesses rondes qui épousaient son jean, paralysée. J’avais pris racine au rayon légumes, comme une courge.

– Un petit déjeuner délicieux et une série avec un beau jeune homme en kilt, a-t-elle répondu avec sourire espiègle. Je crois qu’on peut dire que oui.
J’ai jeté un coup d’oeil à l’écran de son téléviseur sur lequel était figé un rouquin séduisant portant tartan.
– Madame André, vous regardez Outlander ? ai-je demandé en pouffant.
– Et comment ! On n’est jamais trop vieille pour apprécier un bel homme, même s’il a l’âge d’être son arrière-petit-fils. Souviens-toi de ça, ma Flore : les hommes se dégustent à tout âge. C’est juste que passé un certain seuil, la dégustation se fait comme lorsqu’on était enfant : que par les yeux !
Elle a gloussé, une flamme coquine au fond des yeux.
J’ai quitté sa maison le sourire aux lèvres.

Je me suis emparée du téléphone et j’ai appuyé sur la touche qui représentait un téléphone. Alea jacta est , comme disait l’autre. Même si j’avais peine à croire que Jules César ait pu avoir le cœur qui battait aussi fort en franchissant le Rubicon que moi en décrochant. 

— (…)Bon, j’y suis. Qu’est-ce que j’écris ?
— Un truc de ouf, tu vas voir. T’es prête ?
— Mmm.
— Bon, je dicte. « Bon-jour virgule. »
J’ai tapé ce qu’elle disait.
— « Vo-tre pul-vé-ri-sa-tion est prê-te point. »
— Pourquoi tu articules comme si j’étais débile ?
— C’est pas pour toi, c’est pour ton Nokia. Comme tu dois taper six fois d’affilée pour obtenir la bonne lettre…
Je n’ai pas relevé, me contentant de noter sous la dictée. C’est vrai que rédiger un SMS sur ce téléphone n’était pas hyper rapide, mais vu que j’envoyais environ un texto par semaine, ça n’avait aucune importance.
— « Prê-te », ai-je répété en tapant deux fois sur la touche D pour obtenir le E.

J’ai évité de me servir du café : j’en avais déjà bu trois litres depuis mon réveil et j’étais tellement nerveuse que j’avais l’impression de pouvoir compter un par un tous les poils qui parsemaient mes bras, voire d’être capable de leur donner un prénom à chacun.