Quoi qu'il en soit, observer attentivement fonctionne moins bien avec les êtres humains. Les gens n'aiment pas sentir Havens à l'affut d'un changement d'expression ou de position, dans l'espoir de voir surgir quelque chose de leur paysage intérieur - la clé de leur être, comme il se dit maintenant. Ils veulent un portrait flatteur.
page 43
Malgré ce qu’on croit communément, les photographies ne conservent pas les souvenirs ; elles les étiolent. En se concentrant sur le quart de seconde correspondant à l’image elle-même, on néglige les moments qui ont menés jusque-là et tous ceux, poignants, qui ont suivi. Lorsqu’on examine trop une photo, on oblitère-et plus vite que ça- les odeurs, les caresses, les battements de coeur.
C’est ainsi que la forêt pousse lorsque personne ne regarde. D’épaisses racines s’entremêlent, les plantes grimpantes s’enchevêtrent et s’accrochent aux branches, l’écorce frémit lorsque la mousse s’éclipse, se détricote d’un coup, et l’arbre frissonne- et pendant ce temps le sol s’assouplit, se cambre, et la rivière, autrefois retenue par un barrage, surgit plus bas, dans le lit du ruisseau qui l’attendait. Dehors, le bois sombre monte la garde, les étoiles commencent à briller entre les branches telles des guirlandes et la lune, à l’instar d’une pièce lancée dans un puits sacré, luit.
Maman est peut-être folle certes, mais elle rayonne. Mon Dieu, comme elle rayonne.
Si une image ne pousse pas à se poser des questions, elle devient aussi vaine qu'un reflet à la surface ondulée d'un étang.
- Je parie qu'on ne se sent jamais seul en ville.
- Bien au contraire.
Il aimerait lui raconter à quel point on peut se sentir invisible et ordinaire, à quel point la vie en société se charge d'étouffer dans l'oeuf toute originalité.
- C'est du racisme, lâche Massey. Sauf que ce n'est ni la classe sociale ni les origines qui les motivent. C'est du racisme fondé sur une anomalie médicale.
Selon son patron, Pomeroy, Havens doit saisir la nature sauvage et inébranlable de ceux qui vivent en montagne, qu'elle soit réelle ou non, et montrer leur souffrance afin de susciter la compassion de l'opinion publique et faire voter chacun du bon côté.
Malgré ce qu'on croit communément, les photographies ne conservent pas les souvenirs; elle les étoilent. En se concentrant sur le quart de seconde correspondant à l'image elle-même, on néglige les moments qui ont mené jusque-là et tous ceux, poignants, qui ont suivi. Lorsqu'on examine trop une photo, on oblitère - et plus vite que ça - les odeurs, les caresses, les battements de cœur.
Malgré ce qu’on croit communément, les photographies ne conservent pas les souvenirs ; elles les étiolent. En se concentrant sur le quart de seconde correspondant à l’image elle-même, on néglige les moments qui ont mené jusque-là et tous ceux, poignants, qui ont suivi. Lorsqu’on examine trop une photo, on oblitère – et plus vite que ça – les odeurs, les caresses, les battements de coeur.