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Citations sur Le personnalisme (8)

Bien qu'écrit en 1948, certains passages sont d'une criante actualité. Comment peut on l'avoir ainsi oublié!!
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La crise spirituelle est une crise de l'homme classique européen, né avec le monde bourgeois. Il avait cru réaliser l'animal raisonnable, où la raison triomphante avait domestiqué définitivement l'animalité, et le bonheur, neutralisé les passions. Trois coups de semonce furent donnés en cent ans à cette civilisation trop sûre de son équilibre : Marx, sous les harmonies économiques, révélait la lutte sans merci des forces sociales profondes ; Freud, sous les harmonies psychologiques, découvrait la marmite des instincts ; Nietzche enfin, annonçait le nihilisme européen avant de passer la voix à Dostoïevski. Les deux guerres mondiales, l'avènement des États policiers et de l'univers concentrationnaire ont, depuis, largement orchestré leurs thèmes.

Aujourd'hui, le nihilisme européen s'étend et s'organise sur le recul des grandes croyances qui tenaient nos pères debout : foi chrétienne, religion de la science, de la raison ou du devoir. Ce monde désespéré a ses philosophes, qui parlent d'absurdité et de désespoir, ses écrivains qui jettent la dérision à tous vents. Il a ses masses, moins éclatantes. « Le suprême désespoir, dit Kierkegaard, est de n'être pas désespéré. » Le règne de la médiocrité satisfaite est sans doute la forme moderne du néant, et peut-être, comme le voulait Bernanos, du démoniaque.

On ne sait plus ce qu'est l'homme et comme on le voit aujourd'hui traverser d'étonnantes transformations, on pense qu'il n'y a pas de nature humaine. Pour les uns, cela se traduit : tout est possible à l'homme, et ils retrouvent un espoir ; pour d'autres : tout est permis à l'homme, et ils lâchent toute bride ; pour d'autres enfin : tout est permis sur l'homme, et nous voilà à Büchenwald. Tous les jeux qui nous divertiraient du désarroi ont épuisé leur vertu, ou touchent à la satiété. Le jeu des idées a donné son chef-d'œuvre avec le système d'Hegel : il signe, en effet, la fin de la philosophie, là où la philosophie n'est qu'une architecture savante à masquer notre angoisse. L'aliénation religieuse qui s'est fixée au Dieu des Philosophes et des banquiers nous autorise, en effet, s'il s'agit de cette idole, à proclamer la mort de Dieu. Que les guerres laissent un peu de répit au miracle technique, et bientôt, gavés de confort, nous pourrons dire la mort du bonheur. Une sorte de XIVe siècle s'effrite sous nos yeux : le temps approche de « refaire la Renaissance ». (Conclusion)
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Voici une pierre sur ma table. Elle existe, mais comme un carrefour existe, elle est ce que la font les forces qui se croisent sur elle, et rien de plus. Le monde animal amorce une rupture avec cette existence sans dimension intérieure : il se taille dans le monde extérieur un milieu propre autour des grands appareils biologiques. L'homme peut vivre à la manière d'une chose. Mais comme il n'est pas une chose, une telle vie lui apparaît sous l'aspect d'une démission : c'est le « divertissement » de Pascal, le « stade esthétique » de Kierkegaard, la « vie inauthentique » de Heidegger, l'« aliénation » de Marx, la « mauvaise foi » de Sartre. L'homme du divertissement vit comme expulsé de soi, confondu avec le tumulte extérieur : ainsi l'homme prisonnier de ses appétits, de ses fonctions, de ses habitudes, de ses relations, du monde qui le distrait. Vie immédiate, sans mémoire, sans projet, sans maîtrise, ce qui est la définition même de l'extériorité, et sur un registre humain de la vulgarité. La vie personnelle commence avec la capacité de rompre le contact avec le milieu, de se reprendre, de se ressaisir, en vue de se ramasser sur un centre, de s'unifier. (chap. III)
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Toutes les réserves que l'on peut faire sur la Révolution française n'empêchent qu'elle marque une phase importante de la libération politique et sociale, bien que limitée par son contexte individualiste.

Dès lors, une sorte de fatalité se développe. D'une part, trouvant un terrain favorable dans la phase conquérante du capitalisme, l'individualisme se développe en fusée. L'État libéral le cristallise dans ses codes et ses institutions, mais tout en professant un personnalisme moral (de teinte kantienne) et politique (de mode bourgeois), il livre la condition concrète des masses urbaines à la servitude sociale, économique, et bientôt politique. Le romantisme développe la passion de l'individu sur tous les registres de l'affectivité, mais dans l'isolement où il l'entraîne, il ne lui laisse de choix qu'entre la solitude désespérée et la dispersion du désir. Reculant devant cette angoisse nouvelle, et redoutant les imprudences du désir, le monde petit bourgeois les refoule derrière un capitonnage de médiocres satisfactions ; il instaure le règne de l'individualisme précautionneux.

Pendant ce temps l'éclatement soudain des techniques rompt les frontières de l'individu et ses cercles étroits, et installe de tous côtés les grands espaces et les relations collectives. L'individualisme affolé prend peur, à la fois de l'anarchie où il sombre, et du collectivisme qui le menace. Il a tendance à couvrir de la a défense de la personne » ses opérations d'arrière-garde. Déjà Renouvier dénonçait comme également menaçantes la passion métaphysique, et la recherche politique de l'unité. La personne, pour lui, c'est d'abord le non, le refus d'adhérer, la possibilité de s'opposer, de douter, de résister au vertige mental et corrélativement, à toutes les formes de l'affirmation collective, qu'elle soit théologique ou socialiste. Réaction saine, et combien ! contre certains dangers, mais qui va s'embarrasser dans les tentations anarchiques. Ce sont elles qui ont stérilisé partiellement la grande œuvre de Proudhon. L'anarchisme passionnel issu de Nietzsche dramatise l'enjeu, mais encourage la même attitude forcée de négation, que rejoignent certaines formes de l'existentialisme. (intro.)
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L'excès de la vie de travail nous masque encore que la vie en poésie est un aspect central de la vie personnelle et devrait compter dans notre pain quotidien.
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L’insecte qui se mime en branche pour se faire oublier dans l’immobilité végétale annonce l’homme qui s’enterre dans le conformisme pour ne pas répondre de soi, celui qui se livre aux idées générales ou aux effusions sentimentales pour ne pas affronter les faits et les hommes.
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Si nous restons concrètement liés à des déterminismes nombreux et serrés, chaque déterminisme nouveau que découvre le savant est une note de plus à la gamme de notre liberté.
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Dieu est silencieux, et tout ce qui vaut dans ce monde est gonflé de silence.
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