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Critique de thomassandorf


Voilà un livre bien étrange et fascinant : Eclats d'action centre son propos sur la Guilde du Raid, association créée en 1967 par Patrick Edel en réaction à la génération soixante huitarde dont il discernait déjà l'hypocrisie bourgeoise derrière la posture contestataire, et pour promouvoir les aventures en tout genre pourvu qu'il y ait de l'action et du risque.

L'auteur vous emmène à travers le destins et les témoignages de membre de la Guilde et par ce biais, par touches répétées fait découvrir cette association et sa vocation unique au monde.

Le principe de la Guilde est simple : « L'action est plus profitable que les discours » est l'un de ses axes cardinaux. Un autre principe fondamental est l'opposition à la société contemporaine occidentale, toute entière centrée sur l'utilitarisme. Chacun peut se choisir un autre destin que celui de citoyen neutre.

Impressionnant palmarès que celui de la Guilde. Parmi ses membres — anciens ou actuels : Sylvain Tesson, Frédéric Maréchaux (auteur d'un livre fantastique qui a été présenté sur ce blog), Philippe de Dieuleveult (rendu fameux par l'émission La Chasse aux Trésors et disparu dans des conditions plutôt étranges au Zaïre sur lesquelles ce livre donne quelques pistes), Pierre Fyot (co-fondateur de Médecins du Monde), Patrice Franceschi (entre autre écrivain de Marine, ancien président de Solidarités International)… Ces hommes ont constitué la première ONG de l'histoire. Indépendante, affilié à aucun gouvernement ni multinationale.

Il y a un côté rétrograde et barjot dans la philosophie du projet. C'est bien ce que rappellent ces mots que ne renierait nullement Jean Raspail, les mots de « confrérie », « mythologie », « bravaches », « cavalcades », « conquête de soi », « imaginaire », « refus du renoncement » , « exaltation », « honneur ». Tels les cailloux du Petit Poucet, ils traversent ce recueil de témoignages.

Mais dans l'exécution, c'est vraiment dans le concret que la Guilde trouve tout son sens. Là où l'homme se fait du mal, un aventurier s'engage. le Biafra, Liban, Afghanistan, Inde, Amazonie…

Ces hommes et ces femmes qui sont passés par la Guilde illustrent bien en creux les propos de Simone Weil : « Comme la pensée collective ne peut exister comme pensée, elle passe dans les choses (signes, machines…). D'où ce paradoxe : c'est la chose qui pense et l'homme qui est réduit à l'état de chose. » (La pesanteur et la grâce)

Au fil des pages apparait la cause que défend la Guilde : l'humanité, en dépit de toute modernité. Ces aventuriers d'aujourd'hui agissent à la marge par seulement par nature, mais bien par volonté. La douleur et la sueur font partie du voyage et ils le savent bien. Voilà donc un acte parfaitement conscient ; un acte de conscience.

Bien entendu, quelques côtés sombres surgissent ça et là : les liens avec les services secrets, les tentatives de manipulation politiques, le passé au sein de l'OAS de son fondateur (amnistié en 1965, précisons-le). La frontière entre l'engagement humanitaire et politique semble parfois assez poreuse.

Mais n'oublions pas que la Guilde accueille les « jeunes gens de bonne famille comme les chats de gouttière ». Derrière les inévitables différences d'opinion pour une organisation qui se présente comme ouverte et universelle, la conviction que l'engagement réside dans l'action, donc l'aventure, constitue le ciment qui lie tous ces destins disparates.

Livre complexe et à multiples entrées qui n'est pas facilité par le format ebook (je recommande la version papier à cet égard), le texte fascine car au milieu de morceaux de bravoure, il livre des propos hors normes, ceux de ces aventuriers qui font part de leur vision lucide et acerbe de notre monde et de son ordre occidental. C'est en effet en étant en marge que l'on peut mieux embrasser les contours de notre société et en saisir les défis.

Ah ! Et si vous aussi, vous sentez frémir cet esprit d'aventure et que votre coeur exige autre chose que des soirées à suivre la coupe du monde de football, passez donc une tête rue Pasquier dans le VIIIème arrondissement à Paris.

Thomas Sandorf

Merci à Netgalley et à Jean Mouzet pour son témoignage personnel sur cet ouvrage et pour notre échange fructueux sur son travail.

Lien : https://thomassandorf.wordpr..
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