La ville se dissout progressivement dans la jungle et le voyage prend une allure d'expédition. C'est l'Inde dont j'ai rêvé. La terre sauvage et mystérieuse décrite par Kipling et sir Henry Cunningham.
Remnant nous indique le ghat hindou de crémation de Neemtollah où la fumée d'un bûcher funéraire dérive paresseusement au-dessus de l'eau argentée. Sur la plus haute marche du ghat, un prêtre à la poitrine nue à l'exception du fil sacré est assis en tailleur, une petite congrégation autour de lui, et psalmodie solennellement le rituel de crémation. Tous sont vêtus de blanc.
Ma conscience ? Etes-vous un prêtre venu m'absoudre de mes péchés, capitaine ? Vous oubliez que je ne suis pas chrétien. Mes péchés font partie de mon karma, et la loi du karma n'autorise pas le pardon. Ses conséquences sont inévitables.
Les actes du général Dyer sont des gestes de faiblesse provoqués par la peur.
Un sacré imbécile de général a cru pouvoir persuader une foule de civils de se disperser en leur tirant dessus dans un espace clos. Les militaires tentent d'en donner une bonne image, mais la vérité est que c'est un horrible désastre. Ce crétin a pensé qu'une démonstration de force donnerait une leçon aux indigènes. Il n'a réussi qu'à bouleverser tout le pays. Croyez-moi, grâce à cet idiot, tous les Blancs de ce pays risquent d'être bientôt la cible de leur vengeance.
Aucun écart, aucune imagination, mais d'après mon expérience c'est tout à fait normal pour un Écossais. J'ai d'abord pensé que c'était peut-être dû au climat de leur pays natal qui est paraît-il désagréable dix mois de l'année et simplement inhospitalier les deux autres, mais avec le temps je suis arrivée à la conclusion que c'était à cause de cette religion stricte qui est la leur et qui, je crois, considère presque tout ce qui est agréable comme un péché.
Hier après-midi un détachement de gurkhas sous le commandement du général de brigade Dyer a ouvert le feu sur une foule de plusieurs milliers d'insurgés dans un endroit appelé Jallianwala Bagh, à Amritsar. Le vice-gouverneur du Pendjab a félicité Dyer pour avoir maté une insurrection armée. Il a demandé au vice-roi la permission de déclarer la loi martiale dans toute la province, permission qui lui a été promptement accordée.
L'agitation monte dans la plupart des grandes villes. A Delhi, c'est la confusion, les autorités militaires en rajoutent en chantant les louanges de Dyer sauveteur de l'Empire, les autorités administratives sont un peu moins bruyantes. Des messages contradictoires et les premiers signes de panique. Rien du Pendjab. Comme si la province avait simplement disparu.
Jusqu'ici j'avais foi en la justice et le sens du fair-play des Britanniques. Manifestement il y a de mauvais Anglais tout comme il y a de mauvais Indiens, cependant j'ai toujours pensé que le système était juste. Il punissait les malfaiteurs et rendait justice aux victimes. Je vois maintenant que mon père avait raison. Quand une femme anglaise est attaquée, des hommes indiens innocents sont forcés de ramper devant elle. Pendant ce temps, des centaines sinon des milliers d'Indiens- hommes, femmes, enfants- sont massacrés et le coupable est traité en héros. La justice britannique ne s'applique-t-elle qu'aux Britanniques ?
Byrne avait raison. Notre autorité dépend de la supériorité morale que nous montrons à ceux que nous dirigeons. Elle est impossible à acquérir si nous admettons avoir tiré sur des centaines de femmes et d'enfants.