Fablehaven, tome 2 : La menace de l'Étoile du Soir

- Qu'est-ce que vous ferez si vous ne trouvez pas un moyen de le guérir ? questionna Seth.
Dale marqua une pause.
- Je ne le saurai jamais, parce que je ne cesserai jamais d'essayer.
Mod/Suppr

Ne rien faire serait une erreur.
L'ignorance n'est plus une protection.

Confier un secret à ce garçon est comme l'écrire dans le ciel.

S'il n'avait pas été surveillé de loin ,Seth aurait certainement rebroussé le chemin.L e kobold ne valait tout simplement pas la peine de se payer une telle frayeur.Mais les autres regardaient,attendait de lui qu'il aille jusqu'au bout, et sa fierté ne lui permettait pas de se dégonfler.Il avait relevé quelques défis redoutables:dévaler des collines en pentes raides sur son vélo,se battre avec un garçon de deux classes de plus que lui,manger des insectes vivants...A Fablehaven, il s'était presque tué en escaladant une série de rondins en bois de plus en plus hauts pour aller voir un troll.Pourtant, ce défi-là était bien le pire de tous.Parce que se rendre seul dans une tanière de zombies ne signifiait pas seulement que l'on pouvait mourir, mais que l'on pouvait mourir de façons vraiment atroce.

La cloche sonna. La plupart des élèves étaient déjà installés. Mrs Price entra alors dans la classe avec le garçon le plus laid que Kendra eût jamais vu. Il avait le crâne chauve et rugueux, le visage marqué de crevasse. Ses yeux étaient des fentes plissées, son nez, une cavité difforme, sa bouche sans lèvre était ourlée de gerçures. Il se gratta le bras de ses doigts crochus recouverts de verrues protubérantes.
En revanche, remarqua Kendra, s'il était hideux, il était plutôt bien habillé, avec une chemise noire et rouge, un jean et des tennis de maque.
-Je crois que suis amoureuse ,déclara Alyssa.

- Seth ! cria-t-elle.
- Kendra ? fit-il en s'arrêtant net.
- Tu n'es pas mort !
- Bien sur que si. Je suis un fantôme. J'ai été renvoyé sur terre avec gun avertissement.
Kendra ne pouvait cesser de sourire.
- Je pensait que je ne t'entendrais plus jamais raconter des idioties !
- Qui d'autre est avec toi ?
- Juste Mendigot et Warren. Viens, entre vite.
- Mendigo ? Et puis quoi encore ? fit Seth en continuant vers le cottage d'un pas nonchalant.
- Je suis sérieuse. Entre. Des choses graves sont arrivées
- Je suis sérieux aussi, dit-il. Muriel m'a appelé de sa tombe pour me confier un télégramme en chanson.

- À ton avis, il faut attendre combien de temps ?
- Plus longtemps que tu ne le penses, répondit Kendra. La pendule indique 10 h 47. Je propose d'attendre une heure avant de monter, par sécurité.
- Dans ce cas, je vais me faire un sandwich.
- Pas question, dit fermement Kendra.
- Tout ce que j'ai mangé depuis deux jours, c'est de la pulpe de cocon, se plaignit Seth.
- Tu as mangé des biscuits chez Warren.
- Oui, des biscuits. Je n'avais pas faim à ce point-là, alors. Maintenant, j'ai l'impression que mon estomac se digère lui-même.
- S'ils t'entendent farfouiller, on risque de mourir. Je te conseille d'attendre.
- Et si ils nous attrapent ? demanda Seth. On sera condamnés à manger du glop ! Tu as sentis ce truc ?
- Si on est pris, ce ne sera pas notre plus gros problème.
- Je te paris que je pourrais me faire un sandwich en faisant dix fois moins de bruit que toi quand tu chuchotes.
- Tu essaie de me mettre en colère ?
- Tu essaie de me faire mourir de faim ?
- C'est d'accord, accorda Kendra. Vas te faire un sandwich. On a une heure. Tu peux peut être aussi faire cuire des petits gâteaux tant que tu y es.
- J'ai une meilleur idée. Je vais nous préparer des laits frappés avec plein de glaçon. Dans le mixer.
- Ça ne m'étonnerais pas de toi.
- Tu sais quoi ? Tu as gagné, Kendra. Je vais rester ici à mourir de faim.
- D'accord. Mais meurt en silence.

«- Je suis un anachronisme. Un vestige d'époque depuis longtemps oubliées. J'ai vu le savoir surgir et disparaître, des empires se former et chuter. Considère-moi comme ton ange gardien. J'aimerais faire une expérience simple. Tu veux bien ?
- C'est sans risque ?
- Complètement. Mais si j'ai raison, cela pourrait nous permettre de comprendre pourquoi la Société de l'Etoile du Soir montre un tel intérêt pour toi.»

Soudain la peur frappa Seth, faisant flancher ses genoux. Il tomba par terre, lâchant son kit d'urgence mais gardant en l'air la main qui tenait la baguette. Cela lui rappela aussitôt le moment où il avait testé la potion de peur de Tanu. Cette terreur était une force irrationnelle et écrasante qui le privait de toutes ses défenses. Il lutta pour se redresser et garder la main en l'air.
Il était encore à genoux et essayait de lever une jambe quand une deuxième vague de peur le submergea, beaucoup plus puissante que la potion de Tanu. Le médaillon à son cou se délita et s'évapora dans l'air froid. Vaguement, de loin, Seth se rendait compte que la torche était par terre et que Coulter était à quatre pattes, tout tremblant. La peur s'intensifia régulièrement, sans s'arrêter.
Seth se ratatina. Il était retombé sur le dos. La baguette restait au-dessus de sa tête, serrée dans son poing glacé. Son corps tout entier était paralysé. Il essaya d'appeler Coulter. Ses lèvres bougèrent mais aucun son n'en sortit. Il pouvait à peine penser.
C'était bien pire que la peur de la mort. La mort, il l'aurait accueillie avec soulagement si elle avait pu mettre fin à cette sensation, cette panique incontrôlable qui se mêlait à la certitude affolante que quelque chose qui n'avait pas besoin de se presser, quelque chose qui n'aurait pas la bonté de le laisser mourir. Sa peur était palpable, suffocante, irrésistible.
Seth avait toujours cru que la fin de sa vie serait plus héroïque.

- Hé ! cria Kendra. Laissez-la tranquille !
- Elle a fini de te parler, dit la voix sous la jetée. Tu n'es pas la bienvenue ici.
- Vous l'avez entraînée avec vous ! Espèces de petites jalouses prétentieuses ! Têtes pleines d'eau ! Qu'est-ce que vous faites ? Vous lui lavez le cerveau ? Vous l'enfermez et lui chantez des chansons sur les plaisirs de la vie aquatique ?
- Tu ne sais pas de quoi tu parles, reprit la voix. Elle allait mourir et maintenant elle vivra. C'est notre dernier avertissement. Va affronter ton destin. Laisse Léna profiter du sien.
- Je n'irai nulle part, dit Kendra d'un ton résolu. Ramenez Léna. Vous ne pouvez rien me faire si je reste loin de l'eau.
- Tu crois ? rétorqua la voix.
Kendra n'aimait pas le ton de la naïade. Elle paraissait trop sûre d'elle. Elle devait bluffer. Si les naïades quittaient l'eau, elles devenaient mortelles. Kendra regarda autour d'elle, inquiète que quelqu'un se faufile jusqu'à elle pour la pousser dans l'eau. Elle ne vit personne.
- Ohé ? appela-t-elle. Ohé ?
Silence. Elle était sûre qu'elles l'entendaient.
- Tu ne pourras pas dire qu'on ne t'a pas prévenue, dit alors l'une des premières voix.