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Critique de Charybde2


Pour savoir si les fils de sa vie d'exilée sereine et fiévreuse sont correctement noués et dénoués, une artiste américaine vivant depuis longtemps en France doit tirer sur certains d'entre eux et mesurer ce qui vient alors. Une ode fervente et rusée à l'amour et à l'art, contre tous obstacles.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/06/14/note-de-lecture-la-main-gauche-derek-munn/

« La main gauche », c'est la course, à la fois quelque peu folle et pourtant totalement sereine, d'une artiste américaine installée en France depuis longtemps, qui doit à un point de sa vie, vérifier que les fils composant sa vie sont correctement noués et dénoués. Vivant avec sa compagne dans un petit village campagnard, elle compose ses toiles pour quelques collectionneurs fidèles et se consacre à quelques installations d'envergure, dont la dernière en date, à haute puissance symbolique bien entendu, s'intitule « Les Barricades mystérieuses », hommage au compositeur François Couperin (1668-1733) et à bien d'autres essences plus secrètes. Lorsqu'elle décide de se rendre (ou non) aux États-Unis, dans sa Pennsylvanie d'origine, où le testament de son oncle John, qui les a « élevés », elle et son frère Billy, après la mort de leurs parents ne peut être validé qu'en sa présence, Shelley va réaliser en un rare mélange de douceur et de brutalité, se retrouvant paradoxalement presque « Lost in Translation » par moments, qu'elle peut trouver un apaisement dont le manque la démangeait davantage qu'elle ne le supposait sans se renier ni accepter de compromissions – et que même si sa vie n'est pas tissée d'un seul bloc lisse et sans aspérités, elle a bien su lui donner un sens profond, soigneusement multivoque.

Dans l'univers intérieur subtil, fragile en apparence, tout tissé de correspondances baudelairiennes, mais diablement déterminé in fine qu'est celui de Shelley, univers où l'on croisera le moment venu les traces des artistes Sydney Pollack, Robert Mitchum, Gabriele Münter, Grant Wood, Andy Warhol, Chantal Akerman, Giorgio de Chirico, ou Violette Leduc, Derek Munn nous offre avec ce roman – paru en avril 2022 chez L'Ire des Marges – la redoutable synthèse provisoire d'un cheminement humain qui s'appuie au fil des ouvrages tant sur la donnée artistique brute ou travaillée – qu'y a-t-il à l'intérieur d'une oeuvre d'art, de sa construction, de sa genèse et de sa réception ? : « Mon cri de Tarzan » (2012), « L'ellipse du bois » (2017), « Foule solitaire », 2019 – que sur ces moments-clés d'une vie où il faut trouver le temps et l'énergie de dire « stop » et de créer sa propre barricade – « Vanité aux fruits » (2017), « le cavalier » (2018).

Ouvrage délicat, débordant de sensibilité et d'intelligence, métamorphosant aussi bien l'expérience personnelle de l'auteur, Anglais vivant en France et écrivant en français depuis de longues années, que les lignes poétiques d'échappée qu'il confiait récemment à son « Please », « La main gauche » de Derek Munn devrait nous accompagner intérieurement fort longtemps.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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