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EAN : 9782756103808
140 pages
Léo Scheer (16/05/2012)
4/5   3 notes
Résumé :
Un jeune réalisateur de films tente l’aventure de l’Afrique : filmer son ignorance de ce continent, filmer l’ignorance de son regard. Pour cela, il décide de tourner seul pendant plusieurs semaines, dans un endroit isolé, sans savoir à l’avance quel sera le résultat. Mais après une attaque, il est capturé par des hommes en habits militaires et retenu en otage avec une Africaine, Buchi. Son film se construira de cette expérience et de cette rencontre. Pendant qu’il s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ecrivain anglais, installé dans le Sud-Ouest de la France depuis des années, Derek Munn signe avec « Mon cri de Tarzan » son premier roman publié. On a pu lire auparavant ses nouvelles dans des revues littéraires comme Dissonances ou Rue Saint-Ambroise.

Un jeune réalisateur crée presque par inadvertance un film qui s'avère être un grand film, primé dans des festivals et encensé par la critique. La personnalité de cet homme ainsi que l'histoire qui a présidé à la réalisation du film rendent ce succès difficile à accepter pour lui : il a l'impression d'être un imposteur, que sa consécration a quelque chose d'obscène et refuse même dans un premier temps d'aller chercher son prix.

La suite sur le site le salon littéraire : http://livre.expeert.com/fr/roman/content/1796878-un-cri-et-des-silences-mon-cri-de-tarzan-de-derek-munn

Lien : http://livre.expeert.com/fr/..
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En fiction poétique, le « making of » intime d'un film taiseux narrant une découverte de l'Afrique, et tout autre chose simultanément. Magnifique et puissant.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/12/10/note-de-lecture-mon-cri-de-tarzan-derek-munn/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Pourquoi l’Afrique ?
Bonne question. Un rêve d’enfance ? Un refus d’être adulte ? Parce que l’Afrique fait partie de mon ignorance. Parce que je n’ai rien à dire sur elle.
Aujourd’hui, il a du mal à imaginer ça comme un choix. Il a l’impression que l’Afrique a toujours été là, silencieuse, en attente. En même temps, elle n’existe pas, c’est lui qui l’a inventée. Son Afrique, un lieu où il pouvait peser sa présence en n’y étant pas. En n’étant nulle part.
Mais ce n’est pas un film sur l’Afrique. Non. Justement. Ce n’est pas un film sur l’Afrique.
Au départ, il n’a pas un endroit précis en tête. Il voit simplement un espace vide, vaste, ouvert, sans limites, plutôt désertique. Un jour, l’idée que ça pourrait être l’Afrique arrive comme une évidence. Comme s’il l’avait su avant. Tout reste parfaitement nébuleux mais cette décision, dont il ignore les implications, donne du sérieux au projet. À partir de là, il ne sera jamais question de situer le film ailleurs. C’est l’improbabilité de l’idée qui lui permet d’avancer. Le voyage, les difficultés techniques, sans parler du financement, le confrontent à une myriade d’obstacles. En s’en occupant, il met la machine en marche. Si l’imagination joue un rôle dans la fabrication du film, c’est principalement durant cette période-là pour trouver des solutions et plus encore, pour inventer des problèmes. S’immerger dans une préparation matérielle méticuleuse, se perdre dans un labyrinthe de détails, lui ouvre une liberté très cohérente avec son ignorance. C’est euphorisant, c’est aussi la meilleure façon d’éviter de penser à autre chose, comme le film même et ce qu’il contiendra.
Mais pourquoi l’Afrique ?
À Samira, il parle de deux séries vues à la télévision durant son enfance. Tarzan et Daktari. Des souvenirs comme un seul, complexe, qui le ramène dans l’appartement où il a grandi. Il ne s’agit pas d’une occasion précise, plutôt une sorte de jour générique. Il est assis sur le canapé, il regarde la télé en début de soirée. Il est seul mais ses parents ne sont pas loin, sa mère probablement en train de préparer le repas, son père bricole quelque chose, sur la voiture ou peut-être dans la cave. Il a conscience de leur présence, il se sent en sécurité. Malgré ça et malgré le bruit diffusé par le poste, il ressent une grande solitude, l’impression d’être entouré d’un énorme silence.
Daktari raconte la vie d’un vétérinaire installé avec son équipe quelque part dans la brousse africaine. Une sorte de grande famille comptant aussi une guenon et un lion qui louche. Chaque épisode voit arriver un mal qui menace la faune, les héros ou leur travail. Évidemment, tout se termine systématiquement bien. Il ne se souvient pas des personnages ni d’aucun détail des histoires, même le lion strabique lui revient seulement après coup. Demeure un sens de lieu, une lumière sèche, l’espace autour des acteurs, les fonds d’images ; une ambiance sans doute largement due à sa propre création. Le mystère, la poésie de l’Afrique, l’exotisme de la jungle, de la savane. Un monde si différent du sien, un monde jamais trop peuplé, où il fait toujours chaud, où presque tout se passe à l’extérieur.
Tarzan, c’est pareil. Il s’identifiait au personnage dans des aventures qui se suivaient infatigablement sans laisser de trace. Ne restent que la rapidité, l’assurance de ses mouvements, son cri, la jungle encore, les animaux. L’Afrique. Limitée, illimitée, sauvage, rassurante, vraie, fausse. Il se voyait naturellement dans ces espaces, se plaisant à se faire peur, s’imaginant heureux, libre, indépendant.
Daktari, il l’a appris depuis, était filmé dans un parc animalier à côté de Los Angeles. L’Afrique de Tarzan vient sûrement de plusieurs continents. Il s’en doutait peut-être même à l’époque, mais il est difficile d’évaluer son innocence, et de toute façon, ce n’est pas la fausseté d’une chose qui mine sa réalité. Il y avait quand même certaines ruptures de continuité entre des images qui le troublaient déjà. Décalages provoqués, il le sait maintenant, par l’insertion de stock-shots. Lorsqu’on voit des animaux sauvages ou pour traduire un regard lointain, quand la caméra tourne comme un personnage pour contempler l’horizon. La lumière, les tons, le grain de l’image diffèrent soudainement des plans précédents. Il a en mémoire une scène standard, qu’il s’agisse d’éléphants, girafes ou autres gazelles ne change rien. En petit groupe ou en troupeau, ils broutent, boivent, se reposent tranquillement dans un second plan hypothétique. Soudain, effrayés par un bruit, une menace censés sortir de l’action au premier plan de l’émission, ils s’enfuient, tournant le dos à la caméra.
Alors, pourquoi réellement l’Afrique ?
Curieusement, étant donné le peu de moyens à sa disposition, une fois la décision prise, il ne considère jamais l’option de faire comme ces anciennes séries, tourner ailleurs, faire l’Afrique sans l’Afrique. Il ne sait pas ce qu’il attend de l’Afrique ni ce qu’elle pourra lui offrir, mais il ne s’agit pas de disposer d’un décor exotique devant lequel dérouler son histoire ; il n’y a pas d’histoire. Il n’a rien à raconter. L’histoire sera entre le lieu et lui. Son ignorance de l’Afrique est totale, mais il ne veut pas en faire une blague, pas plus qu’il n’a l’intention de prétendre remédier à cette ignorance à travers une sorte de quête ou enquête documentaire lourde de sincérité.
Certains critiques du film parlent d’un retour aux sources, aux origines. Le berceau de l’humanité. Le monde avant l’argent, l’industrie, le chômage. Je les félicite pour leur imagination mais le film n’a pas été pensé comme ça. Heureusement sans doute, sinon j’aurais pu être tenté de monter un truc bateau avec une fille qui se serait appelée Lucy. Justement, il y a un article méprisable où l’auteur, voulant être malin sans doute, propose un lien avec le tableau de Courbet, L’Origine du monde. Buchi n’est pas Lucy. Elle n’est pas juste un symbole.
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Chaque fois qu’il voit l’affiche, elle lui fait un drôle d’effet. L’image est chargée de souvenirs et la trouver placardée, transformée en grande pub, ne manque jamais de le troubler. On voit, arrivant de la gauche, les pieds et jambes de Buchi. De la droite, un bras se tend vers ces jambes. C’est son ras à lui. Vu rapidement, ça donne l’impression qu’il lui caresse la cheville. En réalité, il massait son pied. Buchi souffrait d’une douleur presque permanente aux pieds, aux talons surtout. Elle s’y était habituée, mais de temps en temps, elle perdait toute sensation et quand elle ne sentait plus la douleur, elle avait peur. L’image correspond à l’un de ces moments-là.
Il avait commencé par masser avec une seule main, tenant la caméra dans l’autre – il voulait absolument capturer cet échange, ce contact physique entre ses mains et les pieds de Buchi – mais pour faire le massage correctement, il avait besoin des deux mains, alors il a posé la caméra sur une caisse.
Il s’agissait d’un vrai massage répondant à une réelle détresse, il n’était pas question de faire plier la vérité aux exigences de l’image. En même temps, filmer faisait partie de la réalité de sa situation, c’était la raison de sa présence en Afrique et il s’accrochait à cette activité comme s’il n’existait pas en dehors d’elle. Elle rendait les circonstances supportables, alors qu’au moment d’enregistrer cette séquence, il ne croyait plus à l’aboutissement de son film. Il ne savait pas pourquoi on le retenait enfermé avec cette femme, ni quand ou comment il allait s’en sortir. Il s’était résigné à l’idée que si on le laissait partir, ce serait les mains vides, mais pour l’instant il avait encore son équipement et loin d’être dégoûté de la caméra, il ressentait une envie vive de filmer ce qui l’entourait. Libéré de son projet principal, et peut-être parce qu’elles n’étaient assujetties à aucune notion de logique ou d’utilité, il trouvait un sens et une urgence dans les images qui se présentaient à son regard à l’intérieur de cet espace de séquestration.
Si l’affiche présente bien un aspect du film, c’est l’ambiguïté qui domine toute son histoire. Les couleurs ont été retravaillées, enrichies ; la peau de Buchi paraît plus lustrée, elle prend une teinte violette, presque aubergine, et l’arrière-plan a été obscurci afin de fusionner avec le fond noir général, supprimant ainsi toute indication du lieu occupé par ces deux corps dont on ne voit que des morceaux. Effacés les murs, les meubles ; ce qui laisse imaginer un cadre cossu et une sensualité peu conforme à la réalité. L’image n’est pas fausse, mais elle peut être trompeuse. Quand il la regarde, il a l’impression que tout reste encore à inventer. Et il entend le rire de Buchi, ce rire qui aujourd’hui fait partie de son silence.
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À cause de ce commencement difficile, il laisse la déception de la découverte du fusil teinter son humeur. Un intrus dans l’esprit de son projet, un agent, un espion, le fusil devient aussi une question insidieuse mettant en cause son indépendance et sa maîtrise de la situation. Instinctivement, il lui semble nécessaire de le cacher. Pourquoi ? De qui ? Il ne saurait pas le dire. Il le déplace plusieurs fois avant de le ranger avec la boîte de munitions au fond de la deuxième tente. Il a en horreur cet objet, l’effleurer, simplement, lui donne le frisson.
Il a vu des armes lorsqu’on chargeait le 4 x 4, sans se sentir concerné. Avoir un fusil pour s’aventurer dans la brousse ne le choque pas, c’est plutôt conforme à ses a priori. Il s’inquiète seulement quand il comprend qu’il est supposé en manier un.
Le premier soir du voyage, l’un de ses accompagnateurs lui pose un fusil dans les mains. Tu sais comment l’utiliser ? À sa réponse négative, il le reprend. Regarde, c’est facile. Avec des gestes fluides, il le charge, le vide, le charge, le vide, l’épaule, répétant plusieurs fois les maniements de base. Essaie. L’arme de nouveau entre ses mains, il est incapable de quoi que ce soit. Si ça fait rire l’équipe, son entêtement à ne rien vouloir savoir finit par les exaspérer. Il est inconscient, il lui faut absolument un fusil. Non, il est catégorique. Ils ne reviennent pas trop à la charge, mais il les sent sceptiques à son égard. Ils ne le comprennent pas, le mystère de son projet les intrigue, et puisqu’il en sait si peu lui-même, ses explications ne peuvent les satisfaire. Cela le gêne. Il se sent poussé à se retrancher dans son rôle de commanditaire. Ils sont là pour et à cause de lui. Du coup, il ne peut pas s’empêcher de penser à ces images anciennes d’explorateurs menant de longues files de porteurs chargés du poids des accessoires d’une société étrangère. Plusieurs fois, ils lui demandent s’il a l’autorisation. Il leur assure qu’il ne va rien faire d’interdit? A un moment, en réaction à leurs regards mi-compatissants mi-méprisants qui en savent sûrement plus sur sa peur qu’il en sait lui-même, il dit qu’enfin, se faire manger par un fauve, être digéré puis chié dans la savane serait sans doute la meilleure façon de s’intégrer. Il n’y a pas que des fauves, répondent-ils, ou plutôt, il faut savoir ce qu’on entend par fauve.
Il est inconscient, c’est vrai, ils ont raison. Mais il l’est consciemment. C’est ambigu, ça ne peut pas être autrement, toute l’idée du film découle du principe de son ignorance. Finalement, en déchargeant les véhicules, ils lui ont laissé un fusil sans rien lui dire, inscrivant ainsi leur marque dans un projet auquel ils ne croient probablement pas.
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