"Le Taj Mahal, une larme posée sur le visage de l'éternité…
O empereur, tu essayas d'ensorceler le temps avec la magie de sa beauté. Tu tissas une merveilleuse guirlande pour couvrir la mort sans grâce avec une grâce ne connaissant point la mort. Cependant, le messager de ton amour, ni terni par le temps, ni las, défie l'élévation et la chute des empires, ignorant les hauts et les bas de la vie et de la mort, il porte le message d'âge en âge, échappant à la garde farouche du temps. Le mausolée s'enfonce et s'enracine sur lui-même et, s'élevant de la poussière, essaye tendrement de couvrir la mort avec le manteau de la mémoire."
(Rabindranath Tagore)
Le zenana* était encore dans la pénombre mais au-dehors l'activité avait repris. J'entendais les cris d'un marchand ambulant, les roues grinçantes des chars à bœufs et la voix douce d'un enfant qui chantait. Au loin, le battement des timbales saluait l'apparition du Grand Moghol Jahangir sur le balcon royal. Chaque jour, une heure avant le lever du soleil, il se montrait aux nobles et au peuple du haut du Lal Quila*. Sa vue rassurait ses sujets, prouvait qu'il était encore en vie et que le royaume était en sécurité. Je l'imaginais assis, sur un trône d'argent, fixant l'est jusqu'à la frontière de son empire. On disait qu'il fallait soixante jours à une caravane de chameaux pour traverser le pays d'est en ouest, entre la Perse et le Bengale, et soixante autres jours pour voyager de l'Himalaya au nord jusqu'à la plaine du Dekkan au sud. Agra était le cœur de cet immense empire.
Zenana : Appartement réservé aux femmes
Lal Quila : Fort d'Agra
Une esclave allumait les lampes et posait des bougies dans les coins. La lumière tremblotait sur leurs visages. Ils venaient de toutes les parties du monde, convoqués par le Grand Moghol. Ismail Afanti, un Turc grassouillet et jovial, était le dessinateur des dômes, Quazim Khan, le Persan, était l'orfèvre, et Amarat Khan, un homme froid, à la vue basse, persan lui aussi, était le maître calligraphe. Chiranji Lal, un hindou de Delhi, était le lapidaire. Mir Abdul Karim, qui avait travaillé pour l'empereur Jahangir et avait reçu pour ses services des cadeaux extraordinaires -huit cents esclaves et quatre cents chameaux-, était, avec Markarrinat Khan, l'administrateur du monument. Tous ces hommes étaient des maître dans leur art, les meilleurs joailliers, les meilleurs peintres et architectes, venant de l'Hindoustan ou de pays aussi éloignés que Cathay, Samarkhan et Shiraz.
Qui était-elle ?
Une impératrice.
J'étais allongée, recherchant le sommeil et rêvant à Shah Jahan. J'aurais préféré dormir à la belle étoile pour contempler l'immensité des cieux. Cela me fascinait et m'émerveillait . Dans cet univers si vaste, Dieu paraissait encore plus grand et nous plus petits encore. Même le Grand Moghol n'était qu'une chétive créature en comparaison . Cela me redonnait espoir.
Avec précaution, Murthi brossa de ses mains rudes et calleuses la poussière de marbre. Une année s'était écoulée et un demi-mètre carré de paravent à peine apparaissait [...] Chaque jour il travaillait de l'aube au crépuscule avec une brève pause pour le repas de midi et une autre pour une tasse de thé.
Son regard se portait sur la petite tombe de brique qui abritait Arjumand. Le dôme était petit, bas et laid. Penser qu'elle se trouvait là lui infligeait une immense souffrance. Elle était tout près et pourtant si lointaine, comme à leur première rencontre. Le destin continuait ses jeux cruels. Il aurait voulu qu'elle puisse voir le Taj Mahal. Le jour il serait plus beau que le soleil et la nuit sa beauté éclipserait celle de la lune. Il sentait une fois de plus sa profonde solitude.
Gopi marcha sur le rebord de pierre à côté de la fontaine. Le monument surgissait au fur et à mesure qu'il avançait. Il ne l'avait aperçu que derrière le mur et n'aurait jamais imaginé qu'il puisse être aussi grand. Quand il entra dans l'ombre, il sentit la magie de l'endroit. Sa délicatesse était illusion, créée pour donner un effet de fragilité. Il se rapprocha, pencha la tête et leva les yeux pour regarder le dôme.
Mon amour pour toi ne changera jamais. Il ne peut être dérobé ni souillé et, grâce à son pouvoir, je resterai peut-être l'adolescente que tu as vue pour la première fois.
Mon amour pour toi ne changera jamais. Il ne peut être dérobé ni souillé et, grâce à son pouvoir, je resterai peut-être l'adolescente que tu as vue pour la première fois.