Je ne crois pas que la relecture empêche celui qui s'y livre de partir à la recherche de ce qui est nouveau.
La relecture a certes un je ne sais quoi de nostalgique. Je relis pour retrouver les émotions et l’excitation qui ont été les miennes quand j’ai lu pour la première fois tel ou tel livre.
Certains livres sont si riches qu'il faut les relire plusieurs fois parce qu'ils n'ont jamais fini de dire ce qu'ils ont à dire.
Ma mère nous lisait la comtesse de Ségur. Comme elle s’arrêtait quand elle voulait, j’ai très tôt eu l’ambition d’être autonome dans la lecture.
Un des problèmes du passage à l’âge adulte, c’est la rencontre de livres qui n’ont pas une fin heureuse.
Il arrive que je relise quelques pages d’un livre que j’aime avant de m’endormir. Cela ressemble, j’imagine, à l’usage du bréviaire chez ceux qui croient.
Le relecteur se trouve donc à l'intersection d'un croisement unique: d'une part, la relecture tisse, verticalement, un lien de parenté avec les auteurs du passé, qui peut confiner à l'osmose ; de l'autre, la relecture tisse, horizontalement, un lien de continuité avec soi-même, de l'enfance à l'âge adulte.
Quand on est enfant, on a un nombre de livres assez limité, donc on relit tout le temps.
La relecture me fait penser à cette phrase de Valéry, qui parle du destin de devenir fragment de tout œuvre.
La nature de la jouissance tenait à la constitution d’un monde propre, d’un monde à soi. Je dormais dans la même chambre que mon frère et ma sœur. Lire, c’était avoir une chambre à soi.