l rassure son amour et la supplie de rendre d’abord hommage à la vie et de remercier les ancêtres de leur avoir accordé un tel bonheur ! D’ailleurs, lorsque des triplés naissent, un responsable du ministère de la Santé se déplace pour rendre visite aux parents et leur apporte un certain nombre de cadeaux pour les soutenir. Les autres questions et préoccupations attendront demain.
Cet état d’incertitude constante sur le fil mince et fragile, qui sépare la vie et la mort, est devenu un moteur pour la vie de Jenny, la sage-femme originaire de Suède. C’est sa quatrième mission pour l’organisation humanitaire et elle se nourrit encore des frissons de l’urgence. La jeune femme d’une trentaine d’années se sent revivre à chaque enfant sauvé qui lâche son premier cri. Le bonheur dans les yeux d’une mère et d’un père soulagés lui fait toujours le même effet. Le combat quotidien contre la mort est devenu le sens de son existence, une dynamique, une inspiration qui lui fait oublier la monotonie confortable et peu motivante de ses années passées à Stockholm.
La violence partout et la sauvagerie qui semblait avoir pris le pouvoir. L’ensemble de l’Est du Congo et une partie de la région des grands lacs semblaient plongés dans le chaos. Destructions, viols, meurtres… Un cauchemar de massacres. Les villages étaient brûlés, sans pitié. Tout un peuple était pris en otage par des troupes d’enfants soldats sanguinaires et sans scrupules, rendus fous par les drogues et la folie destructrice. Les habitants terrorisés fuyaient sans savoir où aller. Les réfugiés s’entassaient sous des tentes, dans des camps incapables de répondre aux besoins les plus élémentaires du flux de malheureux. L’urgence déjà.
Il y a urgence et son service ne possède pas le matériel nécessaire pour une situation comme celle-là. Il faut appeler tout de suite l’antenne obstétrique qui se trouve à plusieurs dizaines de kilomètres dans la plaine, au bord du Tanganyika. Elle est mieux équipée et son personnel a l’habitude des accouchements à risques.
Témoin impuissant des va-et-vient de la sage-femme et de son assistante qui l’ignorent totalement, Minerve espère une explication. Devant leur silence, il tombe au pied du lit où Joséphine se tait. Des larmes coulent de ses yeux fermés, son poing est enfoncé dans sa bouche pour retenir les hurlements.
Tout comme lui, elle avait certainement besoin d’être rassurée, de partager sa peine. L’idée de sa solitude dans un moment pareil était insupportable. Dans l’épreuve, il l’aimait encore plus fort. Il s’est donc mis activement à la recherche de celle qu’il avait juré de chérir toute sa vie pour le meilleur et pour le pire. Après quarante-huit heures d’angoisse, il a fini par la retrouver
Il sait que le chemin est irrégulier et que les violentes secousses peuvent être dangereuses pour la patiente. Son état est critique et son transport nécessite un maximum de précautions et le meilleur confort possible.