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Critique de aranzueque-arrieta


L'homme qui arrêta d'écrire
Marc-Edouard Nabe
Auto-édité

Le narrateur, un auteur sulfureux rejeté par les siens, en marge du système, arrête d'écrire après avoir publié vingt-sept livres que presque personne n'a lu.
A la sortie du magasin H&M il rencontre Jean-Phi, un bloggeur semi-ignorant, à mille lieues de son monde d'ex-écrivain avec qui il se lie pourtant d'amitié.
C'est avec ce Virgile guidant le narrateur à travers les neuf cercles de l'enfer parisien des années 2000, qu'il arpente les rues, les bars, les expositions d'art contemporain, les premières théâtrales, les restaurants tendance, les conférences de presse ; tout ce vide auquel il est confronté lui laisse un goût de vomi dans la bouche.

Un mot tout d'abord sur le roman, autoédité.
Marc-Edouard Nabe a envoyé paître les maisons d'éditions qui exploitent les auteurs, ne leur versant que 10% de la vente. le livre, très bel objet dépourvu de tout superflu, sans quatrième de couverture, sans tranche, ressemble à un cercueil, peut-être celui prochain de l'édition classique. Affaire à suivre.
Commençons par oublier tous les lieux-communs stupides (antisémite, pro-islamiste, pro-terroriste, fasciste, communiste, xénophobe, etc.) que l'on colle depuis vingt-cinq ans à l'auteur du génial Régal des vermines pour ne nous occuper que du texte qu'il nous propose.
L'homme qui arrêta d'écrire est un livre exceptionnel comme on voit peu, témoin d'une époque de vacuité sans précédant où la culture institutionnalisée a remplacé l'art et la création. La débilité succède à la pensée et les imposteurs se prennent pour des écrivains qu'il prend le soin de dénoncer...
Tout le monde en prend pour son grade. Nabe dresse comme à son habitude des portraits crus et cruels des traitres, ainsi les appelle-t-il, qui ont vendu leur âme, les "Bernard-Henri Levit" ou les "Philippe Soller" (noms volontairement mal orthographiés, comme pour en faire des caricatures d'eux-mêmes).
Le narrateur déambule dans ce Paris des années 2000 post 11 septembre qu'il a du mal à reconnaître, au gré de rencontres surprenantes, avec ses nouveaux amis, Jean-Phi le bloggeur, Zoé la jeune arabe amoureuse des écrivains, Kahina sa sublime soeur, la pétillante Liza qui finit toutes ses phrases par « je rigole », Pat le styliste noir et gay, fan de Patrick Besson, etc.
Il croise sur son chemin de croix parisien "Alain Delons" parlant à un clochard et s'apprêtant à entrer en scène au théâtre Marigny, Adam X, ancien acteur porno nostalgique de la grande époque du X, son amie Magalie, une pute ivoirienne qui cherche à retourner dans son pays, Thierry Ardisson dans un club échangiste, la liste est longue.
Paris est devenu Babylone, sans sa dimension orgiaque, sans son grain de folie.
On va avec le narrateur à un vernissage d'art contemporain au Palais de Tokyo, au cours duquel Catherine Millet se prend un pot de Jean-Pierre Raynaud, son protégé, sur le visage. Nabe fait un plaidoyer désespéré en faveur de l'art contre la culture.
On assiste à une conférence de presse donnée par Canal+ au théâtre du Rond-Point,dont le seul intérêt reste la paëlla que l'on sert à la fin, et à une assemblée réunissant tout le gratin de la presse nationale qui tente d'endiguer son hémorragie face à Internet sans remettre en question sa médiocrité.
L'humour caustique de Nabe nous accompagne au cours de ces presque 700 pages.
On rit, méchamment, mais sans malice et ça fait du bien. La langue est belle, juste, simple, parée parfois de métaphores filées.
Le travail de « mise en écriture » de la vie du narrateur est bluffant. Nabe écrit comme le fit Proust en son temps pour sauver les meubles de son époque.
Son écriture se penche de façon obsessionnelle sur la mémoire, l'autobiographie, l'autofiction. C'est jouissif ! Remarquable.
On pourra l'accuser de tous les maux, réactionnaire, outrancier, mégalo, etc., mais ses livres ont une profondeur que l'on trouve trop rarement dans la littérature contemporaine. N'est-elle pas là d'ailleurs pour déranger notre esprit petit-bourgeois. Un bon coup de pied dans le cul du lecteur, ça n'a jamais tué personne!
Lisez Nabe! Urgemment, désespérément !

FAA

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