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Citations sur J'avais six ans à Hiroshima (6)

Ma mère, réveillée elle aussi, réagit : "Pauvres gens ! Va chercher de l'eau pour eux." Nous dormions à côté d'une pompe. Nous faisons plusieurs tours à l'aide d'un vieux casque et d'un bol cassé pour donner de l'eau aux malades. Quand nous approchons, certains se lèvent brusquement, comme s'ils sentaient l'eau. Ils avalent quelques gorgées à toute vitesse puis retombent. Ma mère demande à l'un d'eux ce qui lui arrive, et le secoue en lui parlant. Il est mort. La même scène se reproduit plusieurs fois. Les gens supplient pour obtenir un peu d'eau, boivent et meurent. Ma mère et moi nous sentons perdus devant ce phénomène.
Une nouvelle rumeur nous apprend bientôt qu'il ne faut pas donner d'eau aux brûlés car ils meurent tout de suite après avoir bu. Nous cessons donc d'en donner, croyant qu'elle est empoisonnée. Mais les blessés en réclament toujours en s'accrochant à nos jambes. Nous leur disons de s'abstenir de boire sous peine de mourir ! Nous nous recouchons. Les gémissements durent jusqu'à l'aube. Aujourd'hui, je m'interroge encore. Peut-être aurait-il mieux valu adoucir leurs derniers instants avec un peu d'eau.
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Mon frère creuse là où se trouvait l'entrée de la maison. Je gratte, quant à moi, les morceaux de tuiles avec un bout de bois à moitié brûlé. Sous l'effet de la chaleur intense, la terre, telle de la cendre, est devenue toute blanche. Soudain, je dégage une partie de boîte crânienne d'enfant. Je crie : "C'est Susumu"...
Mon frère aîné se précipite, ramasse le crâne et me le met dans les mains. Je n'oublierai jamais ce moment-là. Le crâne de Susumu est tout blanc. Je le trouve beau. Le soleil chauffe très fort mais j'ai froid et je tremble. J'ai l'impression d'avoir des glaçons dans le dos et que mon sang coule à l'envers. J'imagine mon petit frère coincé par une poutre, brûlé vif en appelant maman.
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Le nuage noir file vite vers l'ouest, et le ciel s'éclaircit. Nous ignorons, évidemment, que cette pluie noire contient des éléments radioactifs dangereux pour les cellules vivantes. Je n'avais même jamais entendu prononcer le mot radioactivité auparavant ! Au nord-ouest de la ville, à l'opposé du quartier où nous sommes réfugiés, cette maudite pluie noire tombera abondamment. J'ai eu beaucoup de chance ce jour-là ! Quelques mois plus tard, des leucémies aiguës se déclareront chez les personnes fortement contaminées par cette pluie noire.
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En octobre, la terrible nouvelle arrive. Ma mère nous a quittés. Je file à Hiroshima. Mon frère m'attend à la gare, tremblant de colère. ABCC a encore voulu effectuer des prélèvements sur le corps de ma mère. Mon sang ne fait qu'un tour. Ils sont venus avec des fleurs et de l'argent...mon frère raconte comment on lui a expliqué qu'il s'agissait de recherches importantes pour la médecine, que l'on ne toucherait que l'intérieur, que le corps serait rendu "propre" après les prélèvements, et rempli de coton...Il a refusé l'autorisation nécessaire. Je les aurais, moi, chassés avec des claques.
Je ne pardonnerai jamais à cet organisme. Je suis scandalisé une fois de plus par cette façon d'arriver, bien informé, quelques heures après la mort d'un irradié. Leurs fichiers sont d'ailleurs à jour car je reçois, moi aussi, leur courrier, à Tokyo.
Avec le temps, le Japon a pris en charge le centre ABCC, conjointement avec les Etats-Unis, mais je me demande toujours à quoi il sert réellement !
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Ces brûlures mutilent les visages et les corps des gens. Leur peau couverte de cloques est boursouflée. Des poches d'eau sous-cutanées éclatent. Des lambeaux de peau brûlée pendent, mélangés à des haillons ou aux cheveux. La peau d'une épaule séparée de la chair emporte celle du bras. Écorchés vifs, des gens errent, la peau des bras, arrêtée par les ongles, ballant jusqu'au sol.
Les scènes semblables à celle-là sont innombrables. Les corps meurtris, déchiquetés, traînant leur peau au sens propre du terme, ajoutent à l'impression tragique de troupeau de morts vivants déambulant en un magma lent, mou, agonisant.
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Je reprends ma marche vers la maison. Sur le côté gauche du boulevard, des gens noircis, quasi nus, restent assis, les yeux fixés vers le ciel, hagards. Je ne peux pas distinguer si ce sont des hommes ou des femmes. Sur la droite du boulevard, du matériel de lutte contre les incendies semble en bon état. Des personnes visiblement peu blessées s'affairent autour et le mettent en marche. Quand j'arrive, l'eau commence à couler. Un groupe de damnés se précipite. Des femmes se versent de l'eau sur la peau, et entreprennent de s'extraire les éclats de verre. Le sang coule. Les plus brûlés, à demi nus, cherchent désespérément à atteindre l'eau en se traînant sur leurs genoux déchirés. Tous se déplacent machinalement, sans bruit, sans un cri de douleur. Ils me font penser à des larves d'insectes. Quand l'horreur franchit les limites de tout raisonnement possible, dépasse l'entendement humain, je me demande si les gens ne deviennent pas insensibles à la douleur. N'est-ce pas déjà l'au-delà ?
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