C'est un récit du début des temps, un temps avant le temps, avent le temps où on a commencé à compter le temps.
Mais ils ont mangé de l'Afrique, du sable, de la terre, amenés par l'harmattan, ce vent qui rend fou. Ils se sont trempés de ses humeurs, de ses eaux dormantes et peuplées, comme de ses eaux folles, qui grondent en cascades. Ils ont vibré au son des tambours, nuit après nuit, au point qu'ils ne savaient plus distinguer le rythme de leur cœur de celui de la musique. Ils ont été rendus fous de désir par ces corps de divinités qui se balancent doucement le long des chemins, au pas lascif de leur pensées, un énorme fardeau sur le sommet de la tête. Ils se sont réveillés en pleine nuit, serrés contre un inconnu, une inconnue, dont ils ont partagé les substances par tous les pores de leur peau. Et puis ils ont été piqués. Tout le monde finit par être piqué. Par les mêmes moustiques, qui mélangent les sangs, butinant l'un et l'inoculant à l'autre. Ici, tous les sangs sont mêlés. Ceux qui restent identiques à eux-mêmes deviennent fous, paranoïaques, répétant partout des récits de maraboutage ou d'empoisonnement. Ceux qui changent, baignés d'Afrique à devenir opaques à eux-mêmes, sont comme ces deux-là, répétant indéfiniment leur identité, pour se convaincre qu'ils ne l'ont pas perdue.
Mais que lui veulent-ils ?
Les pratiques que nous observons de nos jours sont celles des églises évangéliques, qui construisent leur fonds de commerce sur la poursuite de prétendus sorciers.
Car la sorcellerie, et donc les sorciers servent avant tout... à tuer.