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Critique de Stockard


Décidément, ce suicide – non pardon, ce seppuku – de Mishima, à l'instar de la séquence de l'explosion de la tête dans « Scanners » de Cronenberg, est une scène qui ne se laissera jamais oublier. Sa riche bibliographie non plus mais on a parfois l'impression que si ses écrits devaient un jour tomber dans l'oubli, ce combo sabre dans l'abdomen + tête tranchée lui survivra comme l'une des plus spectaculaires mise à mort public.
Et ça se conçoit. Après cet acte que personne n'escomptait, le Japon en fut gravement ébranlé. Cette nation dont les motifs de traumatismes ne manquaient déjà pas et qui devait maintenant composer avec la disparition de son illustre ambassadeur littéraire. C'est ce qui explique peut-être que John Nathan – premier traducteur officiel de Mishima aux States, comme d'ailleurs tous ceux qui ont un jour écrit sur lui – s'y attarde si longuement avec pour conclusion que la vie entière de l'écrivain tend en toute logique vers cette fin.
Possible puisqu'il est connu et reconnu que dès sa plus tendre enfance, Mishima entretenait un rapport quasi homo-érotique avec la mort, les ténèbres et l'abîme.
A 20 ans, il observe que « ma grand-mère et mon père avaient beau me couper les ailes, je pouvais toujours m'envoler vers mon Enfer imaginaire ». Enfer qu'il passera sa vie à chérir malgré une vie artistique et personnelle plutôt sage et rangée. Tout du moins dans ce qu'il laisse à voir car là aussi, il avoue que « la plupart des écrivains ont l'esprit parfaitement sain, et se contentent de se conduire en barbares. Moi, je me comporte de façon normale, mais c'est intérieurement que je suis malade ! »
Cette attirance morbide, John Nathan la place comme élément fondateur de toute l'oeuvre de Mishima dont il dissèque les ouvrages qu'il définit comme « sérieux », à contrario des publications plus ou moins harlequinesques que Mishima écrivait comme une détente face à son oeuvre véritable.
Passant au peigne fin « Les Voleurs », « Confessions d'un Masque », « Une Soif d'Amour » et autre « le Pavillon d'Or » Nathan analyse nombre de données, traquant les indications ayant à son avis poussé naturellement Mishima vers cet épilogue spectaculaire dont le biographe conclue qu'il était en définitive tout sauf inattendu. Marguerite Yourcenar dira d'ailleurs que le suicide de l'artiste n'est autre « qu'une de ses oeuvres et la plus soigneusement préparée ».

Du jeune Kimitake Hiraoka à l'illustre Yukio Mishima, John Nathan retrace le parcours d'un homme décidé dès son plus jeune âge à vouer sa vie à la littérature et dont, malgré la formelle opposition paternelle et les quelques ratages qui émaillèrent le début de sa prolifique carrière, il ne s'est jamais détourné, plus de trente ans durant.
Le premier et peut-être unique véritable amour qu'il connût.

Pour les admiratrices et admirateurs de Mishima et/ou de littérature japonaise, pas question de se priver de ce très sérieux ouvrage sur le souvent considéré comme plus grand écrivain japonais (il est pourtant bien difficile de reléguer Kawabata, Ōe, Akutagawa ou Tanizaki – pour n'en citer que quatre – au second plan, peut-être que pour ceux qui boivent maintenant leur saké directement à la racine des rizières, la mort fut moins spectaculaire) et, par extension, sur ce que le Japon a produit de sublime littérature.

Un grand merci (ça devient coutumier) à Babelio et aux éditions Gallimard, cette réédition était attendue.
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