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Citations sur Émile Nelligan et son oeuvre (88)

Jardin sentimental.

Là, nous nous attardions aux nocturnes tombées,
Cependant qu'alentours un vol de scarabées
Nous éblouissait d'or sous les lueurs plombées.

De grands chevaux de pourpre erraient, sanguinolents,
Par les célestes turfs, et je tenais, tremblants,
Tes doigts entre mes mains, comme un nid d'oiseaux blancs.

Or, tous deux, souriant à l'étoile du soir,
Nous sentions se lever des lumières d'espoir
En notre âme fermée ainsi qu'un donjon noir.

Le vieux perron croulant parmi l'effroi des lierres,
Nous parlait des autans qui chantaient dans les pierres
De la vieille demeure aux grilles familières.

Puis l'Angélus, devers les chapelles prochaines,
Tintait d'une voix grêle, et, sans rompre les chaînes,
Nous allions dans la Nuit qui priait sous les chênes.

Foulant les touffes d'herbes où le cri-cri se perd,
Invisibles, au loin, dans un grand vaisseau vert,
Nous rêvions de monter aux astres de Vesper.
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Tarentelle d'automne.

Vois-tu près des cohortes bovines
Choir les feuilles dans les ravines,
Dans les ravines ?

Vois-tu sur le coteau des années
Choir mes illusions fanées,
Toutes fanées ?

Avec quelles rageuses prestesses
Court la bise de nos tristesse,
De mes tristesse ?

Vois-tu, près des cohortes bovines,
Choir les feuilles dans les ravines
Dans les ravines ?

Ma sérénade d'octobre enfle une
Funéraire voix à la lune,
Au clair de lune.

Avec quelles rageuses prestesses
Court la bise de nos tristesses,
De mes tristesses !

Le doguet bondit dans la vallée.
Allons-nous-en par cette allée,
La morne allée !

Ma sérénade d'octobre enfle une
Funéraire voix à la lune,
Au clair de lune.

On dirait que chaque arbre divorce
Avec sa feuille et son écorce,
Sa vieille écorce.

Ah ! vois sur la pente des années
Choir mes illusions fanées,
Toutes fanées !
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Rêve de Watteau.

Quand les pastours, aux soirs des crépuscules roux
Menant leurs grands boucs noirs aux râles d'or des flûtes,
Vers le hameau natal, de par delà les buttes,
S'en revenaient, le long des champs piqués de houx ;

Bohèmes écoliers, âmes vierges de luttes,
Pleines de blanc naguère et de jours sans courroux,
En rupture d'étude, aux bois jonchés de brous
Nous allions, gouailleurs, prêtant l'oreille aux chutes

Des ruisseaux, dans le val que longeait en jappant
Le petit chien berger des calmes fils de Pan
Dont le pipeau qui pleure appelle, tout au loin.

Puis, las, nous nous couchions, frissonnants jusqu'aux moelles,
Et parfois, radieux, dans nos palais de foin,
Nous déjeunions d'aurore et nous soupions d'étoiles...
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Nuit d'été.

Le violon, d'un chant très profond de tristesse,
Remplit la douce nuit, se mêle au son des cors ;
Les Sylphes vont pleurant comme une âme en détresse
Et les coeurs des grands ifs ont des plaintes de morts.

Le souffle du Veillant anime chaque feuille,
Le rameau se balance en un rythme câlin,
Les oiseau sont rêveurs, et sous l'oeil opalin
De la lune d'été, ma douleur se recueille.

Au concert susurré que font sous la ramure
Les grillons, ces lutins en quête de sabbat,
Soudain a résonné toute, en mon coeur qui bat,

La grande majesté de la Nuit qui murmure
Dans les cieux alanguis un ramage lointain,
Prolongé jusqu'à l'aube humide du Matin.
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L'idiote aux cloches.

I

Elle a voulu trouver les cloches
Du Jeudi-Saint sur les chemins ;
Elle a saigné ses pieds aux roches
À les chercher dans les soirs maints,
Ah ! lon lan laire,
Elle a meurtri ses pieds aux roches ;
On lui disait : " Fouille tes poches.
- Nenni, sont vers les cieux romains :
Je veux trouver les cloches, cloches,
Je veux trouver les cloches
Et je les aurai dans mes mains " ;
Ah ! lon lan laire et lon lan la.


II

Or vers les heures vespérales
Elle allait solitaire, au bois.
Elle rêvait des cathédrales
Et des cloches dans les beffrois ;
Ah ! lon lai laire,
Elle rêvait des cathédrales,
Puis tout à coup, en de fous râles
S'élevait tout au loin sa voix :
" Je veux trouver les cloches, cloches,
Je veux trouver les cloches
Et je les aurai dans mes mains " ;
Ah ! lon lan laire et lon lan la.


III

Une aube triste, aux routes croches,
On la trouva dans un fossé.
Dans la nuit du retour des cloches
L'idiote avait trépassé ;
Ah ! lon lan laire,
Dans la nuit du retour des cloches,
À leurs métalliques approches,
Son rêve d'or fut exaucé :
Un ange mit les cloches, cloches,
Lui mit toutes les cloches,
Là-haut, lui mit toutes aux mains ;
Ah ! lon lan laire et lon lan la.
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Le boeuf spectral.

Le grand boeuf roux aux cornes glauques
Hante là-bas la paix des champs,
Et va meuglant dans les couchants
Horriblement ses râles rauques.

Et tous ont tu leurs gais colloques
Sous l'orme au soir avec leur chants.
Le grand boeuf roux aux cornes glauques
Hante là-bas la paix des champs.

Gare, gare aux desseins méchants !
Belles en blanc, vachers en loques,
Prenez à votre cou vos socques !
À travers prés, buissons tranchants,

Fuyez le boeuf aux cornes glauques.
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Le puits hanté.

Dans le puits noir que tu vois là
Gît la source de tout ce drame.
Aux vents du soir le cerf qui brame
Parmi les bois conte cela.

Jadis un amant fou, voilà,
Y fut noyé par une femme.
Dans le puits noir que tu vois là
Gît la source de tout ce drame.

Pstt ! n'y vient pas ! On voit l'éclat
Mystérieux d'un spectre en flamme,
Et l'on entend, la nuit, une âme
Râler comme en affreux gala,

Dans le puits noir que tu vois là.
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Marches funèbres.

J'écoute en moi des voix funèbres
Clamer transcendantalement,
Quand sur un motif allemand
Se rythment ces marches célèbres.

Au frisson fou de mes vertèbres
Si je sanglote éperdument,
C'est que j'entends des voix funèbres
Clamer transcendantalement.

Tel un troupeau spectral de zèbres
Mon rêve rôde étrangement ;
Et je suis hanté tellement
Qu'en moi toujours, dans mes ténèbres,

J'entends geindre des voix funèbres.
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L'homme aux cercueils.

Maître Christian Loftel n'a d'état que celui
De faire des cercueils pour les mortels ses frères,
Au fond d'une boutique aux placards funéraires
Où depuis quarante ans le jour à peine à lui.

À cause de son air étrange, nul vers lui
Ne vient : il a le froid des urnes cinéraires.
Parfois, quelque homme en deuil discute des parères
Et retourne, hanté de ce spectre d'ennui.

Ô sage, qui toujours gardes tes lèvres closes,
Maître Christian Loftel ! tu dois savoir des choses
Qui t'ont creusé le front et t'ont fait joint les sourcils.

Réponds ! Quand tu construis les planches péremptoires,
Combien d'âmes de morts, au choc de tes outils
Te content longuement leurs posthumes histoires ?
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Musiques funèbres.

Quand, rêvant de la morte et du boudoir absent,
Je me sens tenaillé des fatigues physiques,
Assis au fauteuil noir, près de mon chat persan,
J'aime à m'inoculer de bizarres musiques,
Sous les lustres dont les étoiles vont versant
Leur sympathie au deuil des rêves léthargiques.

J'ai toujours adoré, plein de silence, à vivre
En des appartements solennellement clos,
Où mon âme sonnant des cloches de sanglots,
Et plongeant dans l'horreur, se donne toute à suivre,
Triste comme un son mort, close comme un vieux livre,
Ces musiques vibrant comme un éveil de flots.

Que m'importent l'amour, la plèbe et ses tocsins ?
Car il me faut, à moi, des annales d'artiste ;
Car je veux, aux accords d'étranges clavecins,
Me noyer dans la paix d'une existence triste
Et voir se dérouler mes ennuis assassins,
Dans le prélude où chante une âme symphoniste.

Je suis de ceux pour qui la vie est une bière
Où n'entrent que les chants hideux des croquemorts,
Où mon fantôme las, comme sous une pierre,
Bien avant dans les nuits cause avec ses remords,
Et vainement appelle, en l'ombre familière
Qui n'a pour l'écouter que l'oreille des morts.

Allons ! que sous vos doigts, en rythme lent et long
Agonisent toujours ces mornes chopinades...
Ah ! que je hais la vie et son noir Carillon !
Engouffrez-vous, douleurs, dans ces calmes aubades,
Ou je me pends ce soir aux portes du salon,
Pour chanter en Enfer les rouges sérénades !

Ah ! funèbre instrument, clavier fou, tu me railles !
Doucement, pianiste, afin qu'on rêve encor !
Plus lentement, plaît-il ?... Dans des chocs de ferrailles,
L'on descend mon cercueil, parmi l'affreux décor
Des ossements épars au champ des funérailles,
Et mon coeur a gémi comme un long cri de cor !
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