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Critique de Melpomene125


Eshkol Nevo est un écrivain que j'ai découvert grâce aux chroniques d'une de mes amis babelionautes Bookycooky, férue de littérature israélienne. Je ne crois pas me tromper en disant qu'il s'agit d'un de ses écrivains préférés, voire de son préféré !

Pour ma part, je n'ai lu que deux de ses livres mais je commence déjà à être conquise ! J'avais beaucoup aimé le Cours du jeu est bouleversé, l'originalité de la construction romanesque, les réflexions sur le monde contemporain, la politique. Aussi, lorsque mon libraire, auquel j'avais parlé des romans d'Eshkol Nevo, m'a proposé La Dernière Interview, son nouveau roman, j'ai saisi l'occasion de me plonger une nouvelle fois dans son univers.

Sous forme d'interview, un écrivain israélien à succès répond aux questions de ses lecteurs, sur Internet. Je trouve qu'Eshkol Nevo est très créatif, c'est la définition qui me vient à l'esprit quand je pense à ses écrits car, pour mon plus grand plaisir, ils se suivent mais ne se ressemblent pas. Ils me surprennent à chaque fois. Cela n'a rien d'étonnant puisque, en plus d'être écrivain, il enseigne l'écriture créative.

Ce roman pourrait être classé dans le genre "auto-fiction" mais peu importent les catégories qui, au contraire, brident la créativité. Je pense que l'intérêt du roman n'est pas de savoir si le personnage de l'écrivain est Eshkol Nevo ou pas, s'il y a une dimension autobiographique ou pas, seuls ses proches peuvent le dire. L'intérêt de ce roman à la construction originale réside dans la qualité des réponses et des réflexions qu'elles suscitent chez le lecteur ou la lectrice, moi en l'occurrence, sur la vie contemporaine, politique, l'amour, l'amitié, l'écriture, la dépression, le bonheur, la liberté.

Je sais gré à Eshkol Nevo de ne pas avoir écrit un roman semblable à d'autres sur le thème éculé de l'écrivain à succès qui n'a plus du tout d'idées. Bien au contraire, à travers le jeu des questions – parfois banales – et des réponses – toujours subtiles et élaborées, il offre à ses lecteurs une oeuvre originale qui acquiert une dimension à la fois humoristique et philosophique.

Tout un chacun peut se reconnaître dans les sujets évoqués et y trouver matière à réflexion car ils tendent à l'universalité.

La Dernière Interview est le prolongement des idées développées dans le Cours du jeu est bouleversé. Dans ce dernier, j'avais beaucoup aimé le personnage de Youval, son caractère tourmenté, sa conception de l'écriture. J'ai retrouvé ces thèmes dans La Dernière Interview. le véritable écrivain est, pour moi, forcément quelqu'un de tourmenté, un intellectuel qui réfléchit, peut-être même trop… Là est le drame, très bien évoqué dans le livre : sa femme Dikla veut le quitter, il est dépressif, il écrit pour se sauver, parce qu'il coule, même si personne ne s'en rend compte.

Il y a beaucoup d'humour dans La Dernière Interview, malgré la gravité de certains sujets. Ce choix rend la lecture agréable.

Eshkol Nevo nous invite à réfléchir avec lui et à nous poser des questions. Il évoque, comme dans le Cours du jeu est bouleversé, l'actualité, la politique, le sujet brûlant et controversé en Israël des Palestiniens, de la colonisation des territoires palestiniens par l'armée israélienne mais plus largement aussi la peur, qui pousse à voir dans l'autre un ennemi, un danger, quelles que soient les circonstances ; le mal, qui pousse à exclure autrui, le détruire, le déshumaniser ; les murs physiques et moraux qui séparent les êtres humains entre eux ; les politiciens qui exploitent les peurs et les haines pour se faire élire ; les contradictions inhérentes à l'être humain : comment peut-on penser qu'on est un écrivain de gauche alors qu'on écrit des discours pour un politicien qui ressemble énormément à l'actuel Premier ministre israélien ?

Ce sont toutes ces questions que soulève avec brio Eshkol Nevo dans ce roman et qui font écho à mes propres réflexions. Il a un indéniable talent de conteur. C'est avec plaisir que j'ai lu certains passages, entre autres sur la création littéraire et le besoin viscéral, parfois pénible pour l'entourage, de transformer la réalité en fiction. J'aime beaucoup l'humour et la satire qui nous aident à affronter avec courage bon nombre des travers de notre monde.

Mon prochain voyage en compagnie d'Eshkol Nevo se fera probablement avec Neuland sur la route de l'Amérique latine et des utopies. Encore un beau périple en perspective…
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