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Critique de Pavlik


"La Généalogie de la Morale" est articulée en trois dissertations : "le bon et le mauvais", "le ressentiment" et "les idéaux ascétiques". Il parait que cet essai est un des plus accessible de Nietzsche...difficile pour moi de comparer, vu que c'est le premier ouvrage de l'auteur que je lis, mais il faut bien avouer que j'ai dû m'accrocher par moment, moi qui ne suis pas philosophe de formation (mais ne l'est-on pas tous un peu par nature, finalement ?).

Néanmoins, cette lecture s'avère très intéressante et au premier abord fort remarquable par le style...Mr Nietzsche savait, à n'en pas douter, manier les mots. Je ne me lancerai pas dans une longue critique (de la raison impure) mais quelques points de l'argumentation me chatouillent, quand d'autres me convainquent.

J'entends bien la distinction entre la morale des esclaves (une morale du ressentiment à l'égard des maîtres) et celle des "maîtres-nés". Pour autant, jamais l'auteur ne pose la question de la légitimité du rapport dominant / dominé (ni donc de sa perpétuation) pour la simple raison qu'elle est inepte pour lui : les agneaux ne sauraient reprocher aux oiseaux de proie d'être ce qu'ils sont. Il y a donc des forts et des faibles "par nature" et Nietzsche oppose "le mot d'ordre mensonger" de la morale du ressentiment (le privilège de la majorité) à celui de l'aristocratie, "effrayant et enchanteur", mais sans développer davantage (en fin de première dissertation). Il présente d'ailleurs Napoléon comme le dernier homme à avoir incarné cet idéal aristocratique, synthèse d'inhumain et de surhumain.

En ce qui concerne la religion, Nietzsche taille en pièce la morale chrétienne qui par « la moralité des moeurs » façonne une société qui met en avant l'adaptation aux contingences au lieu de valoriser la volonté de puissance, c'est-à-dire l'activité, les forces conquérantes, agressives, novatrices. L'homme nietzschéen (le surhomme à venir) est instinctif et n'entend pas s'en excuser alors que la morale cherche à l'y contraindre et à le faire renoncer au plaisir de faire souffrir. En effet, pour Nietzsche ce n'est pas la souffrance qui pose problème mais bien son absence de sens et c'est pourquoi les hommes ont créé les dieux qui ont engendré « l'aristocratie sacerdotale » qui a imaginé cette horreur qu'est le péché. En gros, si tu souffres c'est de ta faute mec. Mais t'inquiètes pas, si t'es un bon chrétien tu pourras accéder au paradis après…Une logique, on l'imagine aisément, qui ne favorise pas l'aristocratie guerrière, les « maîtres-nés », ceux qui « peuvent promettre », car, surs de leurs capacités, ils tiendront leur promesse. On sent bien les parallèles avec Freud (notamment « le Malaise dans la Civilisation ») : la moralité des moeurs rappelle le surmoi et les instincts les pulsions, sauf que Nietzsche ne voit pas les aspects positifs du premier, ni le potentiel tyrannique des secondes. En fait, l'homme Nietzschéen c'est un peu un néo-libéral avant l'heure, un type qui veut de la droite décomplexée, sans la morale de bénitier.

Un mot sur les liens supposés entre le nazisme et Nietzsche : oui, il utilise parfois des exemples où le mot race est à la fête (avec visées eugéniques), oui il a tendance à ne pas être très cool avec les juifs car il y voit « le peuple sacerdotal par excellence » mais en même temps il n'aime pas les antisémites et ne m'apparait pas du tout comme nationaliste, il n'est pas toujours tendre non plus avec les allemands…De là à dire qu'il aurait été récupéré il n'y a qu'un pas (que je laisserai à chacun le soin de franchir ou pas) qui, en fin de compte, ne ferais qu'accréditer ses idées sur la dynamique historique…

Finalement Nietzsche donne à la philosophie le but louable de critiquer les valeurs et la morale (entendre ici une morale chrétienne) mais sans préciser dans quel objectif. Et pour cause ! S'il pose la question de l'idéal ce n'est que pour rappeler tout ce qu'il coûta à l'humanité au cours de l'histoire et le réfuter en bloc. Sur ce point, il m'est difficile de concevoir un homme sans idéal…On pourra m'objecter que le FUTUR a donné raison à Nietzsche quand on voit ce qu'a donné le communisme…Mais peut-être est-ce la trahison des idéaux qui serait à déplorer plus que les idéaux en eux-mêmes…Là aussi Friedrich a réponse à tout puisque, ce monde n'étant (ou n'ayant été) qu'un conglomérat de « volontés de puissance » en lutte, les idées, concepts, inventions etc…sont, dès leur naissance, détournés de leurs buts initiaux pour être « réagencer » par une volonté supérieure…Il n'y a donc pas de relations de cause à effet simpliste dans la dynamique historique selon Nietzsche…Et puisque dieu n'est qu'une fable mortifère (tout autant que l'athéisme scientifique qui est le revers de la médaille, puisqu'il cherche simplement à rendre l'idéal plus crédible), il en vient à poser l'hypothèse qu'il n'y a pas de vérité et que tout est possible…Mais le caractère non définitif, non universel de la vérité, bref le fait qu'elle SE CONSTRUISE, permet-il de penser que tout est possible ? Et si, comme Mathieu Potte-Bonneville, on la réduisait à son essence en affirmant « qu'il n'y a de vérité que dans l'éclipse des maîtres » ?

Je voulais terminer par des précautions d'usage, du genre, vous les spécialistes de Nietzsche, ne commencez pas à me sauter dessus, je ne suis qu'un HUMBLE néophyte qui vous fait part de son regard…Mais vu que je me sens soudainement l'âme d'un surhomme j'ai juste envie de dire…

Ainsi parlait Pavlik.

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