Citations sur Oeuvres philosophiques complètes, tome 5 : Le gai savoi.. (395)
Nos pensées sont les ombres de nos sentiments, elles sont toujours plus obscures, plus vides,plus simples que ceux-ci.
Mes pensées, dit le marcheur dans son ombre, doivent m'indiquer où je suis, pas me révéler où je vais. J'aime ignorer l'avenir et je ne veux pas succomber à l'impatience ni savourer anticipément ce qui m'a été promis
Les pensées sont les ombres de nos sentiments- toujours obscures, plus vides, plus simples que ceux-ci.
J'aime l'incertitude quant à l'avenir.
90. Les lumières et les ombres. Les livres et leur exécution sont différents chez différents penseurs : l'un a réuni dans un volume les clartés qu'il a su dérober à l'éclat d'une connaissance subite et emportée en hâte; l'autre ne donne que les ombres, les pastiches en gris et noir de ce qui, la veille, s'est édifié dans son âme.
C'est pourtant l'utilité, et une très grande utilité que l'on avait en vue, dans ces temps anciens qui donnèrent naissance à la poésie - alors qu'on laissa pénétrer dans le discours le rythme, cette force qui ordonne à nouveau tous les atomes de la phrase, qui enjoint de choisir les mots et qui colore à nouveau la pensée, la rendant plus obscure, plus étrange, plus lointaine : c'est là, il est vrai, une utilité superstitieuse. On voulut graver les désirs humains dans l'esprit des dieux au moyen du rythme, après que l'on eut remarqué qu'un homme retient mieux dans sa mémoire un vers qu'une phrase en prose, par la cadence rythmique on pensait aussi se faire entendre à de plus grandes distances; la prière rythmique semblait s'approcher davantage de l'oreille des dieux. Mais avant tout on voulait tirer parti de cette subjugation élémentaire qui saisit l'homme à l'audition de la musique; le rythme est une contrainte; il engendre un irrésistible désir de céder, de se mettre à l'unisson; non seulement les pas que l'on fait avec les pieds, mais encore ceux de l'âme suivant la mesure, - et il en sera probablement de même, ainsi raisonnait-on, de l'âme des dieux!
Un pareil bonheur n'a pu être inventé que par quelqu'un qui souffrait sans cesse, c'est le bonheur d'un oeil qui a vu s'apaiser sous son regard la mer de l'existence, et qui maintenant ne peut pas se lasser de regarder la surface de cette mer, son épiderme multicolore, tendre et frissonnant : il n'y eut jamais auparavant pareille modestie de la volupté.
26. Que signifie vivre. Vivre, cela signifie : repousser sans cesse quelque chose qui veut mourir. Vivre, cela signifie : être cruel et implacable contre tout ce qui, en nous, devient faible et vieux, et pas seulement en nous. Vivre cela signifierait donc : être sans pitié pour les agonisants, les misérables, les vieillards? Etre sans cesse assassin? - Et pourtant le vieux Moise a dit : « Tu ne tueras point!»
Nous voulons être les poètes de notre vie et d'abord dans les choses les plus modestes et les plus quotidiennes.
Vivre - cela signifie pour nous : changer constamment en lumière et en flamme tout ce que nous sommes ; de même , aussi, transformer tout ce qui nous frappe ; nous ne saurions absolument pas faire autrement.
Préface de la deuxième édition, p.25