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Critique de l-ourse-bibliophile


Les éditions Mnémos (merci !) m'ont proposé de découvrir ce livre qui constitue apparemment un classique de la littérature de l'imaginaire, fraîchement réédité par leurs soins. Witch World est une saga qui comprend une trentaine de romans et le Cycle de Simon Tregrath regroupe les deux premiers tomes, le Portail et L'Emprise (précédemment traduits sous les titres L'Arche du temps et La vallée dans l'ombre). Je dois avouer que je ne connaissais ni cette oeuvre, ni son autrice (oui, c'est une femme qui se cache derrière ce pseudonyme masculin) pourtant prolifique.
Je vous en propose une critique qui risque d'être souvent sous forme de « oui, mais… », dans le sens où chaque élément positif appelle une nuance. Ainsi, je suis sortie de cette lecture quelque peu mitigée.

Tout d'abord, j'ai été frappée par ce mélange de fantasy – avec de la magie, des sorcières, un univers médiéval, des forteresses et ruelles tortueuses, des bateaux à voiles, etc. – et de science-fiction – voyages spatio-temporels, technologies futuristes liées à l'énergie, à des systèmes sophistiqués de chauffage, d'éclairage ou de communication, sous-marins des Kolderiens. Si Estcarp utilise certaines de ces technologies sans en connaître la provenance, elles sont bien souvent créées et utilisées par les Kolderiens, les ennemis déclarés de ces deux tomes, et sont donc vues comme quelque chose d'abject et de nocif, apportant la mort et non le progrès.
Néanmoins, en dépit de cet aspect plutôt original, j'ai eu du mal à être passionnée par ce récit qui m'a semblé somme toute assez classique et convenu (même s'il ne l'était sans doute pas lors de sa publication originale !). Cette duologie a des allures d'introduction : on voyage sur ces terres nouvelles pour Simon Tregarth comme pour nous, on rencontre les différents protagonistes, on assiste à la mise en place d'enjeux, de questions et de dangers, mais le tout reste superficiel et manque de profondeur, que ce soit dans la psychologie des personnages, dans la résolution des problèmes, dans les scènes d'action qui ne semblent jamais réellement mettre les héros en difficulté, etc.

Andre Norton met en place un matriarcat : des sorcières – seules des femmes pouvant être les détentrices du Pouvoir – dirigent Estcarp. Les sorcières sont respectées, indépendantes, puissantes (mais non parfaites, se montrant parfois fermées face à des possibilités nouvelles) et instaurent une politique relativement pacifiste : Estcarp se défend contre les royaumes adjacents qui rêveraient d'agrandir leurs territoires et de mettre à bas ce gouvernement féminin, mais ne partage pas ce rêve d'expansion au détriment de ses voisins. À ces sorcières s'ajoute Loyse de Verlaine, fille de noble promise à un mariage arrangée, qui se battra pour gagner sa liberté en utilisant uniquement son intelligence, sa ruse et son courage, un personnage qui m'a vraiment enthousiasmée dans le premier tome.
Cependant, les noms étant des sources de pouvoir (une idée que l'on retrouvera dans Terremer d'Ursula K. Le Guin notamment), les sorcières ne peuvent révéler le leur (et n'utilise pas de surnom). Ainsi, malgré toute leur force, elles ne sont définies que par des pronoms, ou « la sorcière », « la femme d'Estcarp », etc., ce qui nuit à l'identification par la lectrice ou le lecteur et empêche toute proximité. Pendant le premier tome, il y a Simon, Koris, Loyse et la sorcière, qui, même si elle a un rôle important, en est moins visible d'une certaine manière (sans parler du fait que l'on a jamais accès à ses pensées) ; j'avoue que j'aurais aimé que ce personnage féminin soit davantage mis en valeur, que la distance avec elle soit un peu abolie. de même, leur Pouvoir est prétendument lié à leur virginité, ce qui pose quelques questions tout de même. de plus, Simon et Koris restent au premier rang et Loyse, fiancée (de son plein gré) dans le second tome, perd alors toutes ses qualités d'aventurière, adoptant le rôle banal et passif de demoiselle en détresse, tombée entre les mains des méchants Kolderiens – ma plus grosse déception vient finalement de ce recul que j'ai trouvé absolument regrettable.
Certes, il ne faut toutefois pas oublier que ces deux tomes ont été écrits en 1963 et 1964 et qu'ils mettaient tout de même déjà bien en valeur leurs protagonistes féminins par rapport à d'autres romans de l'époque, mais ils pâtissent de la comparaison avec d'autres oeuvres.

[Petit spoiler, même si la quatrième de couverture indique déjà que Jaelithe est, pour Simon, « l'amour de sa vie » et qu'il n'y a pas de réelle surprise quand à la suite de leur histoire.]
Dans le second tome du cycle, j'ai apprécié le discours autour de la liberté dans le mariage. Jaelithe, après des années à vivre sans attaches comme sorcière, n'entend pas se laisser brider par leur union et continue de parcourir le territoire en solitaire comme elle le faisait, sans ménager la sensibilité de son époux. Pour Simon, c'est un apprentissage… qui commencera par des pensées exaspérantes, mais permettra de repenser sa relation avec sa femme et aboutira à un réel respect entre eux, avec une collaboration qui renforcera leurs pouvoirs respectifs. J'apprécie énormément retrouver des considérations de ce genre, psychologiques, humains, plutôt que de l'action à outrance. (J'en profite pour signaler que Andre Norton propose un héros qui, même s'il m'a laissé totalement de marbre, n'est ni un séducteur invétéré, ni un gros bourrin, et que c'est quand même bien appréciable.)

Cette lecture n'était pas inintéressante, mais je ne suis pas franchement convaincue pour autant. Ces récits ont des qualités et des points de vue attrayants, mais il m'a manqué tout simplement d'éprouver un intérêt réel et fort pour les personnages comme pour l'intrigue. Or, les premiers ne m'ont fait ressentir aucune empathie, aucun atome crochu, et la seconde n'a pas su me captiver. J'ai bien conscience que certains points sont à replacer dans le contexte des années 1960, mais cela ne change pas mon manque d'enthousiasme pour cette histoire.

À l'heure actuelle, j'ignore totalement si je poursuivrai la découverte de Witch World au fil des rééditions de Mnémos. La longueur de la saga me refroidit ainsi que le manque d'investissement émotionnel lors de cette lecture, mais peut-être la saga se bonifie-t-elle au fil des tomes. Affaire à suivre.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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