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Critique de Folger


Une farce ? Et quelle farce ! Regardez le roman de notre Amélie, et surtout son titre. de qui se moque-t-on ? On n'a pas idée de vous faire ça : Cosmétique de l'ennemi ! Qu'est-ce que ça veut dire cosmétique de l'ennemi ? Il nous faudra attendre jusqu'à la page quatre vingt dix pour le savoir : « La cosmétique, ignare, est la science de l'ordre universel, la morale suprême qui détermine le monde. Ce n'est pas ma faute si les esthéticiennes ont récupéré ce mot admirable. » Voilà qui est bien jeté. Alors dans ce cas, le titre nous inviterait-il d'entrée à l'énoncé d'une philosophie ?

Il faut quand même remarquer au passage qu'Amélie Nothomb a le don du titre. Son premier livre Hygiène de l'assassin, ou Stupeur et tremblements ou encore Métaphysique des tubes, il fallait les trouver.

Revenons-en à Cosmétique de l'ennemi : ce roman est en fait un discours, une conversation à laquelle nous assistons. Elle a lieue entre deux hommes dans la salle d'attente d'un aéroport. Jérôme Angust est donc abordé par un inconnu du nom de Textor Texel. Ce dernier ne va cesser de s'incruster auprès du premier et va commencer à lui raconter sa vie : son meurtre par procuration d'un camarade de classe, son goût prononcé pour la nourriture pour chats, son viol d'une femme dans le cimetière même de Montmartre puis son assassinat, quelques années plus tard. Rien ne sera épargné à Jérôme Angust, ni les faits ni leurs motifs, sans oublier sa foi religieuse, puis sa culpabilité qui semble avoir existé avant toutes les monstruosités dont il dresse le catalogue. « Quand on est destiné à devenir un coupable, il n'est pas nécessaire d'avoir quelque chose à se reprocher. La culpabilité se fraiera un passage par n'importe quel moyen. C'est de la prédestination. », affirme-t-il.

Sur les cent vingt pages qui composent ce récit, Amélie nous restitue cette conversation sans interruption, les débats survenant entre les deux hommes, les protestations de la victime et le plaisir de l'ennemi. Chacun a une façon tout aussi convaincante de défendre son idée du bonheur. le droit chemin pour l'un et l'écart pour l'autre. Ils n'hésitent d'ailleurs pas à citer Pascal, Spinoza ou Lǔ Xùn par des formules apprises et citations philosophiques, à l'appui.

On a dans le roman un exemple sur le fait que l'homme s'arrange bien de ses problèmes de conscience, du sérieux dont il est capable de se plier pour être en paix avec lui même. Ça fait là, le charme de cette conversation qui est pourtant loin d'être charmante aux yeux de la victime. le génie d'Amélie, c'est aussi d'obliger le lecteur, mine de rien, à se regarder en face, quitte à en rire.

Mais voilà maintenant que nous apprenons au détour d'une réplique, que nos deux orateurs ne sont en fait qu'une seule et même personne. Que cet échange n'était en fait que le débat d'un homme avec sa propre conscience. Mais je n'en dirai pas d'avantage afin de ne pas révéler de dénouement du roman.

On admirera aussi l'art qu'a Amélie d'aborder les sujets les plus risqués comme en s'en moquant. Ce ton n'appartenant qu'à elle, à la fois moqueur et apitoyé, nous faisant sans cesse osciller entre l'horreur et la joie, le grotesque et le sérieux. Comme si, en fin de compte, l'important était de rire de nos illusions, avant d'avoir à en pleurer.
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