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Citations sur Les Enfants de Cadillac (49)

Avoir eu un père qui vendait des cravates sous un parapluie à Montmartre m'a conduit, durablement, à éprouver autant d'admiration pour un bonimenteur de marché qui captive les acheteurs autour d'un objet ordinaire que pour un universitaire qui commente savamment la troisième Critique de Kant.
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Comme l'a souligné Stendhal dans Le Rouge et le Noir, les deux voies permettant à un jeune homme sans qualité de sortir de sa classe sociale étaient à l'époque l'armée et l'Église. Aujourd'hui, l'engagement dans la carrière professorale, en France, ressemble fort à une vocation de prêtres laïcs que l'État envoie dans ses provinces pour éduquer la jeunesse.
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Lorsque je lis Montaigne ou Marivaux, leurs tournures de phrase agissent sur mes poumons et mes nerfs, et elles déclenchent, par le rire, la raison et les sons, une harmonieuse complicité. Plus encore que toute confirmation langagière, la musique de Fauré, de Debussy et de Ravel me dit, sans les mots, que je suis français, même si je peux pleurer avec des compositeurs italiens, allemands, russes ou espagnols. J'y reconnais mes modalités et mes intensités. Et je ne regarde jamais le piano de la Maison française de New York, où j'ai installé mes pénates, sans penser aux mains de Poulenc qui se sont posées sur son clavier.
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Mais pour se prémunir contre l'accusation d’antisémitisme, les contempteurs d'Israël ont besoin de Juifs qui signent leurs pétitions, obtenant ainsi un blanc-seing : untel, juif, approuve leur texte, donc ils ne peuvent être antisémites. De fait ils trouvent des porteurs de nom juif qui accèdent à leur demande sans trop savoir qu'on les a sollicités pour cette seule raison, et j'ai tardivement compris pourquoi l'on souhaitait ma signature pour soutenir tel philosophe accusé d'antisémitisme. Autrefois les Juifs de cour se trouvaient surtout à droite, ils faisaient des ronds de jambe aux antisémites qui avaient ainsi leur « bon Juif », celui qu'ils citaient pour montrer qu'ils avaient les idées larges. Comme au temps de Proust, ces Juifs nourrissent encore l'illusion d'être intégrés dans les salons de la grande bourgeoisie, quitte à mépriser la juiverie dont ils proviennent. Aujourd'hui le bon Juif se repère aussi à gauche, dans les mobilisations antisionistes. Lorsque son militantisme devient outrancier et qu'il se déchaîne contre les lobbies juifs, on parle à son propos de « self-hating Jew », cependant son attitude relève moins de la « haine de soi » que du désir d'être aimé. Or pour se faire aimer, quand on est juif, il faut savoir être un peu antisémite, ou fricoter avec les antisémites.
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La remontée dans le passé traumatique des familles, des groupes ou des « races » encourage chacun à se définir comme « descendant », au point que les individus s'érigent en représentants de générations qui remontent à plusieurs siècles. Les handicaps sont hérités, certes, quand ils touchent des familles immigrées ou des populations stigmatisées, et cette inégalité relève de la politique sociale. En revanche, la définition de soi appartient au monde imaginaire de la psyché. Par un geste d'introjection, s'identifier à des ancêtres mène à confondre le fait d'avoir un passé avec l'illusion d'être ce passé. Le complément, l'adjectif, la caractérisation deviennent le sujet même, son essence.
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Si je devenais le premier fonctionnaire de la famille, toutes branches comprises, je pouvais surtout afficher qu'en moi s'étaient agglomérés, agglutinés assez de savoirs pour être un français « agrégé », ayant la densité d'une molécule. Cette agrégation à la française signait le parachèvement d'un désir de France, commencé avec la naturalisation de mon grand-père, juif russe, et confirmé cinquante ans plus tard par celui dont le nom figurait désormais au tableau de ceux qui « apprendraient le français » aux jeunes Français. L'étude du latin m'avait même permis de repérer dans le mot d'agrégé la racine étymologique de grégaire, grex, le troupeau. Ainsi avais-je rejoint la troupe des Français, non pour y tenir un fusil comme Chaïm, mais comme passeur de sa langue et de sa culture.
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Le prénom fait la différence, appelé given name en anglais, qui dit bien le nom donné singulièrement, à la différence du nom de famille reçu collectivement par la tribu. L'histoire de nombreux Juifs immigrés venus d'Europe de l'Est est sans doute marquée par leur désir d'intégration et leur éloignement de la tradition, au point qu'ils donnèrent volontiers des prénoms français à leurs enfants, et le mien, François, remplit au mieux cette fonction. Comme tous les gens qui partent de quasiment rien, ils ressentent davantage l'envie de « monter » dans la société choisie que la fierté de « descendre » de telle ou telle lignée. Français, je porte le prénom de mon pays : François désigne à la fois un roi de France et la qualité de français, françoué même, comme on le prononçait autrefois. Chaque fois qu'on m'appelle je suis rappelé à ma patrie et, dans les pays anglophones, les traductions inexactes par Francis ou Frank obligent à conserver l'original, et à accepter la cédille, cette marque qui résiste à l'anglicisation des graphies, sans laquelle les anglophones me nomment Frankoïss.
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L'existence lointaine allège le poids de la nationalité à laquelle on appartient.
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Deux ans plus tard, le nouveau directeur administratif de l’établissement observera que la population des malades y est « émaciée et morne, des corps flottants dans des vêtements usés à la limite et à peine suffisants pour les protéger des intempéries… tandis que le personnel, ds cuisiniers aux infirmiers, se montre dans une excellente condition physique ».

(Gallimard, p.45)
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A quelles expériences familiales doit-on ce que l'on est devenu ? Comment les désirs des parents, leur volonté d'acquérir une identité, une place, une réputation se répercutent-ils sur les êtres qui leur succèdent ?
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