Le monologue de la concubine

Mais le troisième ou le quatrième jour, après avoir repris du bon temps au glouton, tu as déballé une histoire qui m’a glacée jusqu’au cœur… Je venais d’essuyer la sueur dont tu étais couvert, et toi, les yeux baissés, tu m’as appris que tu n’étais pas un célibataire tombé du ciel . Tu étais arrivé en avant-garde, tu avais une femme, une infirmière encore bien, et deux filles qui débarqueraient bientôt.
- Tu n’aurais jamais dû me faire un coup pareil, mon bébé !
Le premier jour, tu m’aurais dit que tu avais une tribu, je ne t’aurais pas repoussé, je me serais dit que le ciel nous avait offert une java. Et plus tard tu serais reparti sans que ça laisse autre chose que des petits regrets à conserver bien au chaud
- Pas des cicatrices comme celle que tu m’as laissées !

Je te jure, Bruno, je n’ouvre plus ma porte avant des semaines. La dernière fois, c’était hier... On sonne, on frappe, on cogne, j’ouvre… une Chinoise. Elle me regarde avec des yeux comme des meurtrières, elle me dit qu’elle a été ton étudiante, puis ta disciple, et elle veut que je lui donne tes papiers, tes archives, parce qu’elle va écrire un libre sur le professeur Bruno BONOPERA.
- Non, mais quoi encore ? C’est vite dit, une disciple !
Si tu avais vu … une disciple, elle prononçait le mot en pinçant sa bouche sans lèvres. Comme elle y allait… Tu n’étais même pas encore enterré !
- C’était peut-être une de tes petites putains, vieux salaud…
Et puis un livre sur un type qui n’as pas été fichu d’en écrire lui-même, ni d’avoir son nom dans un dictionnaire ou dans les gazettes, et encore moins à la télévision, non merci !
Mais quand je dis que tu n’as pas eu ton nom dans les journaux, ce n’est pas tout à fait vrai. Il y a l’affaire d’Athènes. Là, on peut dire que les journaux grecs ont parlé de toi, titres en manchette, dessins, photos. Qui a tué l’épouse du professeur Bruno BONOPERA. Qui a… (Elle se passe le doigt sur la gorge) ta Fernande, la Fernande BONOPERA ?