Julia était stupéfaite. Vingt ans à essayer d'apprendre aux gens à parler, alors que tout ce qui se disait dans les conversations se trouvait dans les silences.
Des bandes horizontales d'herbes noueuses rouille et ocre et des mauvais champs irréguliers_ ou ce qui passait pour des champs _bordés de murs en pierre séche descendaient vers la mer couleur raisin. Une couche de film alimentaire sur un bol de jus de raisin immobile, des flèches de mercure esquissées sur la surface limpide. Des poches changeantes d'ombre et de lumiére sur la côte lointaine où les montagnes jouaient avec la lumiére- la saisissant un instant, puis la laissant partir. Une masse solitaire de nuages, comme une patte géante gris foncé, suspendue au- dessus du centre de la mer comateuse.
Il pensa à Julia et se rappela son sourire. Elle ne lui avait pas souri souvent ces dernières années, mais quand elle l'avait fait, il avait eu l'impression qu'on lui ôtait un poids énorme des épaules. Et il se rendit compte qu'il avait eu peur avec elle aussi, peur de la perdre.
L’esprit était égoïste, il cherchait instinctivement à être consolé, il exigeait des répits puis, dans un accès de culpabilité, il rejetait le moment de réconfort. Elle avait été surprise dès le début par son calme qui n’avait rien à voir avec une quelconque force intérieure, mais résultait au contraire du fait qu’elle reconnaissait avec calme et désespoir que rien ne pouvait être pire.
Il était toujours plus facile d'aimer des enfants gentils comme Carol, de déposer le baiser du soir sur une joue douce et accueillante. Pourtant elle savait, déjà à l'époque, que les enfants difficiles avaient encore plus besoin de baisers. Les parents espéraient toujours qu'un moment viendrait, où ils pourraient rattraper leur retard. Et leurs enfants adultes, qui soignaient le sentiment d'injustice de leur enfance, faisaient tout leur possible pour leur refuser cette chance.
Pourtant elle savait,déjà à l'époque,que les enfants difficiles avaient encore plus besoin de baisers.
Elle avait été surprise dès le début par son calme qui n'avait rien à voir avec une quelconque force intérieure, mais résultait au contraire du fait qu'elle reconnaissait avec calme et désespoir que rien ne pouvait être pire.
Julia avait d'abord été un chat et s'était métamorphosée en ananas au fil des années, mais elle avait eu aussi ses moments de splendeurs bovines.
Tu es parfois tellement mordante que je me demande comment tu ne te fais pas mal
Elle se demanda si,en fin de compte,le sens de toute vie ne se trouvait pas chez les survivants,dans leurs souvenirs.