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Critique de Fleitour


Joyce Carol Oates situe son nouveau roman au nord de New York à Carthage, ville proche des Adirondacks, dans une famille unie, enviée et reconnue.
La famille Mayfield, une famille où le père fut maire, un homme influent, Arlette la mère est très impliquée auprès d'oeuvres de charité, leurs filles Juliet, belle et organisée, la cadette Cressida, intelligente et brillante .
Juliet est fiancée à Brett Kincaid, un jeune de famille modeste, élevé par sa mère Ethel. Les attentats du 11 Septembre vont convaincre Brett de s'engager.

Il partira en Irak. Il revient meurtri, blessé, cassé dans sa chair et dans son âme, par des actes de guerre totalement insoutenables, des actes commis délibérément et gratuitement par certains soldats, " quand les témoins sont morts il ne reste qu'une seule version ! " blessures intimes, qui le conduiront au bout de l'enfer.
Joyce Carol Oates comme un témoin décrit, plutôt que dresser un pamphlet.
Les actes sont odieux, filmés parfois, impliquant une omerta des crimes commis, des soldats comme Brett en sortiront médaillés mais brisés, ses fiançailles seront rompues avec Juliet

La jeune, soeur de Juliet, Cressida, la mal comprise de la famille, disparaît, enlevée ?
Or rien ne pouvait annoncer un tel drame.
La tragédie s'invite dès les premières pages

Artiste dans l'âme, elle aime dessiner et son inspiration vient du dessinateur MC Escher.
Toute la magie de Joyce Carol Oates se déploie pour nous faire découvrir à travers les témoignages de sa famille la jeune Créssida, qui vient de disparaître.
Créssida est une Hyper Sensible, elle fait partie de ces personnalités si fragiles et si attachantes aussi, qu'un tout petit rien peut déchirer et éparpiller...
Un mot cruel et la voilà si déstabilisée et si blessée que ce qu'elle avait choyé est détruit, un compliment élogieux mais injustifié va aussi déconsidérer son interlocuteur fut-il son père.
Incomprise car insaisissable, susceptible, au point d'imaginer les blessures, les ricanements, elle devient caustique cruelle à l'égard de sa famille puis de ses professeurs.
Joyce Carol Oates dresse un portrait oh combien crédible de ces êtres souvent précoces, hyperactifs mais qu'un grain de sable déstabilise, par manque de confiance en eux, artistes rêveurs mais si entiers.


Brett va avouer être coupable de la disparition de la jeune femme Cressida, mais il reste incohérent, incapable d'expliquer l'enchainement des faits, Joyce Carol Oates nous entraine dans une spirale infernale, une enquête aux multiples interrogations, six années de doutes et de honte, de reconstruction pour Brett , qui va peu à peu se reconstruire en prison.

Plaidoyer contre la peine de mort, et contre les effets collatéraux de la guerre en Irak, Joyce Carol Oates nous guide dans une visite glaçante du milieu carcéral, dans un quartier de haute sécurité jusque dans le couloir de la mort, avec ce regard qu'elle glisse sur toutes les bavures et les approximations dans l'exécution de la peine de mort.
Le plaidoyer de Victor Hugo plane dans ce décor d'outre tombe où le bourreau ne s'émeut plus, car "si vous saviez ce que les victimes ont subit", victimes invitées aux premières loges au moment des exécutions!
Joyce Carol Oates s'insurge à propos des absences de preuves avérées, ou sur la non utilisation de l'ADN qui implique encore au USA de nombreuses condamnations d' innocents qui se retrouvent dans le couloir de la mort où ils sont exécutés .

Le talent de Oates est sans doute de nous faire sentir les comportements odieux d'une nation ou d'une partie d'un pays qui n'est pas encore prêt à reconnaitre que la violence n'est pas le fait d'une seule communauté ou d'une autre religion.
L'autre talent de Joyce Carol Oates est de nous montrer comment une certaine rédemption est possible, partiellement certes, son écriture si intelligente et son sens si aiguë de l'âme humaine nous fait ressentir toute la complexité d'un véritable pardon.

Quelle intelligence dans l'écriture,Joyce Carol Oates semble en effet au sommet de son art, celui de comprendre les autres quels qu'ils soient.

J'ai ressenti aussi que le personnage de Créssida est si proche de Joyce Carol Oates, que ce livre m'apparait comme un document presque autobiographique, d'une jeune fille hypersensible tenace intelligente, pas d'une beauté Barby, qui va au bout d'elle même, entière, débordante de vitalité et d'intelligence si le sujet la retient .

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