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sur 146 notes
« On the Edge of Seventeen » scandait l'ensorcelante chanteuse du groupe Fleetwood Mac, Stevie Nicks.

Kenzaburô Ôé nous rappelle ce qu'on ressent quand on a dix-sept ans. Dernière ligne droite avant le sevrage de l'âge adulte, souvent paumé, anxieux, le jeune y va à reculons.

Le début de la nouvelle jette une lumière crue sur ce malaise adolescent, entre honte de soi et narcissisme exacerbé. Rien n'existe autour, les parents ne sont que des ombres vagues dans le décor de son inconfort, les enseignants des tortionnaires facultatifs, et les camarades des concurrents acnéiques dans une lutte égotique.

Le Prix Nobel de littérature nous donne à voir un univers nippon obsédé par la sexualité contrariée, de même que chez Tanizaki ou Kawabata, le personnage de Ôé est victime d'un désir impulsif et impuissant, se noyant dans une mer séminale, à force d'onanisme désespéré, sur fond entêtant de « Carol » de Neil Sedaka. Usant de cette gêne monochrome et grisâtre, d'une fade lourdeur dont seul l'Empire du soleil levant a le secret, l'auteur japonais parvient magistralement à engluer son lecteur dans ce plasma mortifère page après page.

A 17 ans la force des convictions le dispute à l'ignorance des complexités de l'Histoire. Fatalement, dans un Japon en proie aux affres de la Guerre Froide, le fascisme qui lui coûta pourtant tant de vies n'a pas dit son dernier mot, les seventeen's sont une proie de choix pour les endoctrineurs d'extrême-droite.
Cependant le mythe de l'homme supérieur et nouveau fait psschit car derrière la terreur il y a le pathétique, le monstre à visage humain.

Il ne faut jamais cesser de vouloir comprendre, de vouloir expliquer. La radicalisation comme une fuite en avant, un oubli de soi dans la masse, l'homme n'étant plus qu'une cellule au service d'un organisme qui le dépasse, le prend en charge et supprime toute capacité à vivre avec l'incertitude.

Au-delà de la rhétorique nationaliste, le radicalisé est à la fois spécial, élu, différent, chose qu'il ne ressentait pas auparavant et toute à la fois il s'oubli, il n'est qu'un maillon, il n'a plus de pensée critique et de volonté propre, ce que résume Ôé dans cette phrase glaçante : « dans la loyauté, il ne peut pas y avoir d'esprit individuel. »

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Bonjour, aujourd'hui j'ai 17 ans. C'est mon anniversaire et tout le monde s'en fout royalement. Personne ne se souvient de cette date, pourtant 17 ans cela devrait compter, même pour mes parents. Mais bon tant pis, je ne vais pas chialer sur mon sort. Tiens, et si j'allais me branler dans la salle de bain en pensant à ma soeur.

Il n'est jamais trop tard, ni trop tôt, comme il n'y a pas d'âge pour se branler. Des années de pratique qui se transforment en années d'expériences. de l'adolescence à la découverte de son corps, en passant par l'âge adulte, le plaisir solitaire fait partie de ma vie. Et de toi à moi qu'il est bon de se masturber et de voir les étoiles scintiller au moment d'éjaculer tout son potentiel.

Kenzaburo Oé met en scène ce jeune garçon, cet être frêle et solitaire, un être fait de chair et de sperme qui passe ses journées à se masturber et affranchir ainsi son plaisir d'un orgasme puissant. le mal-être de l'adolescence, mal qui inonde la jeunesse de nos jours, terrible fléau d'une société trop bruyante et trop avide de pouvoir. Alors, ce plaisir solitaire le soulage, en même temps qu'il l'enferme dans un carcan. Toujours plus solitaire, toujours plus sombre.

Jusqu'au jour, où sur un stade pour une compétition lycéenne, il croise le chemin d'un mouvement d'extrême-droite. L'esprit faible, il découvre ce nouveau monde. L'uniforme qui lui donne une autre stature, cette sensation de pouvoir qu'un brassard au bras lui donne. Subitement, il n'est plus transparent, les gens semblent le respecter, le craindre même. I've got the power, maudits envahisseurs du Pacifique. Il retrouve goût à la vie, la puissance en plus. Il devient fière, hautain, sûr de lui, il est d'extrême-droite !

Kenzaburo Oé a eu quelques problèmes avec ce court roman, qui se lit presque aussi rapidement qu'une branlette matinale. Apparemment, l'extrême-droite n'a pas aimé voir ainsi caricaturé une de leur jeune recrue. Ma foi, est-ce sa faute, si l'esprit abandonné peut facilement être embrigadé par de beaux discours politiques et y adhérer, corps et âme. Ma foi, est-ce sa faute, si à 17 ans, on pense aussi souvent à se masturber qu'à boire une bière, et ce n'est certes pas l'apanage de l'extrême-droite de se branler dans une salle de bain. Et puis, putain, si tous les jeunes de 17 ans – et les moins jeunes même – qui se masturbent finissent dans l'extrême-droite, le monde serait franchement bien mal barré. Tiens, moi, est-ce que je suis de l'extrême-droite, et pourtant…
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Il se pense laid et sans intérêt. Il est complexé, introverti. Sans cesse titillé par ses pulsions sexuelles, il passe son temps à se masturber mais son plaisir est de courte durée, très vite, la honte et le dégoût prennent le dessus. Au lycée, il n'a pas d'amis. A la maison, il ne rencontre que l'indifférence de sa famille. D'ailleurs, il vient de "fêter" ses 17 ans et ses parents n'y ont même pas songé. C'est un adolescent mal dans sa peau dans le Japon des années 60, pas encore remis de la défaite de 45. Mais lui n'est pas engagé politiquement. Il se dit de gauche, simplement. C'est pourtant à droite, et même à l'extrême droite, qu'il va trouver un nouveau sens à sa vie. Approché par un camarade de classe, il est engagé pour applaudir lors des meetings politique du parti de l'Action impériale. Et très vite, il se prend au jeu, emporté par le charisme de son leader. Radical et violent, le parti lui offre enfin l'occasion d'exprimer toute sa frustration et sa colère. Fort de son appartenance à un groupe, fier de porter l'uniforme, il devient l'homme puissant et cruel qu'il a toujours rêvé d'être.


Ecrite dans les années 60 alors que le Japon subit une poussée nationaliste, Seventeen est une nouvelle qui s'inspire d'un fait réel : le meurtre par un adolescent d'un leader socialiste. Kenzaburô ÔE y dénonce la façon dont les partis extrémistes jouent avec la fragilité d'une jeunesse en perte de repères pour en faire des robots prêts à tout. Son héros, perdu dans une famille qui se délite et un pays qui panse encore ses blessures de guerre, passe lentement d'opprimé à oppresseur, d'agressé à agresseur, de vaincu à vainqueur. Violence et cruauté montent en puissance, tout le mépris et la haine qu'il éprouvait contre lui-même trouvent un autre coupable vers qui se tourner. Ce sont les autres qui désormais sont laids et sans intérêt, ce sont les socialistes, les rouges qui dirigent le pays vers sa perte et doivent être combattus par tous les moyens. Marionnette d'un leader qui sait caresser dans le sens du poil, l'adolescent se sent grand et fort, patriote et sûr de son bon droit.
Belle description du parcours d'un jeune homme en mal d'identité qui bascule dans la sauvagerie, Seventeen est un texte sombre et dérangeant qui trouve encore un écho des décennies plus tard, l'adolescence, période troublée de questionnements et de malaises, étant le terrain propice dans lequel les extrémistes cherchent toujours à planter la graine de la haine.
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Japon, années 60.
Notre héros a 17 ans aujourd'hui. Mais cette journée se passe sans qu'aucun membre de sa famille ne lui souhaite son anniversaire. Cette indifférence le blesse profondément, même s'il s'en défend. de ce fait, il va alors faire sa propre introspection : pas beau, pas d'ami(e), sujet à la masturbation intense (ce qui l'attire et le dégoûte en même temps)... Bref, il est pétri de complexes et mal dans sa peau. Il se déteste et déteste les autres.
Et puis, un peu par hasard, il assiste à un meeting d'Action Impériale, un mouvement d'extrême droite. L'orateur est un fin tribun et l'adolescent se laisse porter par ses mots, par ses idées. Il se reconnaît dans les paroles du dirigeant, d'autant plus que celui-ci lui annonce bientôt qu'il est l'Elu, son digne successeur.
Son avenir s'éclaircit : il est pris en charge, on lui propose un uniforme, on lui confie des missions. Enfin, il est quelqu'un. Enfin, il n'a plus peur. Enfin, il trouve sa place dans la société, quitte à user de la violence.

En quelques pages, Kenzaburô Ôé nous montre comment les extrémistes arrivent à capter l'attention des jeunes, au moment où ceux-ci sont fragilisés dans leur recherche identitaire, comment la haine germe sur ce terreau fragile et spongieux, chez ces jeunes avides de reconnaissance et de gloire.

Une nouvelle coup-de-poing, inspirée de faits réels.
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Une nouvelle forte et dérangeante qui s'intéresse à la formation d'un militant d'extrême-droite dans les années soixante. Elle est inspirée d'une histoire vraie.
Le narrateur, anonyme, a dix-sept ans ce jour-là. Sa famille oublie son anniversaire à l'exception de sa soeur, infirmière dans les Forces d'auto-défense. il n'a pas d'ami Il passe son temps à se masturber, en rêvant de beauté, de puissance et de gloire. La réalité est toute autre, il se trouve très petit, très laid, trop sensible. Il angoisse au point d'uriner de honte au cours d'un huit cent mètres où il est largué devant les filles...
La narration à la première personne fait que l'on s'attache à ce teenager empoté, omnibulé par ses pulsions sexuelles , rongé par la culpabilité et capable de soudains excés de violence. Il est en quête de reconnaissance qui ne viendra malheureusement qu'associée à un groupuscule nationaliste d'extrême droite. A travers ce personnage, Kenzaburô Oe nous parle aussi du Japon déboussolé des années soixante.
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Kenzaburô Öé fait partie du cercle très fermé des écrivains qui ont été récompensés par un Prix Nobel - en 1994 dans son cas. Un fait connu de tout bon rat de bibliothèque, que l'on soit un amateur de littérature japonaise ou pas. Je n'avais jamais rien lu de cet auteur, et du fait que je fait partie de la 1ère catégorie de lecteurs - précédemment cités - j'ai voulu palier à ce manque.

Il y a quelques jours, je tombe sur Seventeen. le sujet me paraît original et prometteur, alors je craque.

Le récit peut être divisé en 2 parties. Dans la 1ère moitié, on découvre peu à peu un jeune garçon mal dans sa peau obnubilé par la masturbation, qui est la seule façon pour lui de contrôler un corps qui le révulse et lui échappe. Il nous parle de 2 "personnages" qu'il admire : Bandit, un chat sauvage, et Shin-Tôhô, un élève de son lycée. A travers ces 2 figures, on comprend les désirs et les frustrations que le jeune garçon a au plus profond de lui.

Puis le récit s'accélère lorsqu'il écoute un genre de prédicateur d'un groupuscule extrémiste, vindicatif et frustré d'avoir l'étiquette de perdant de la guerre. Là tout bascule. La haine qu'il avait jusque là contre lui-même est redirigée vers ceux qu'il estime plus faibles que lui. L'adolescent, jusque là pathétique (au sens grec) devient méprisable tant sa cruauté grandit.

Kenzaburô Ôé retrace très bien ce parcours d'une victime devenue agresseur et il expose la haine de soi et la haine de l'autre - en opposition binaire "je vs ils" - avec brio. L'atmosphère est pesante et de plus en plus oppressante, façon nippone.
On reconnaît donc sans peine l'écriture d'un maître. A tel point qu'il fait partie, je pense, de ceux dont on peut apprécier pleinement l'oeuvre qu'a posteriori, après très mure réflexion !
Mais il m'a manqué le petit je ne sais quoi en plus pour me donner envie de retourner vers cet auteur dans l'immédiat.
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On pourrait faire ainsi: regardez la photo de couverture: que vous inspire-t-elle? Quel âge a ce jeune homme? Quel sentiment exprime-t'il?
On dégagerait sans aucun doute beaucoup de choses de cet exercice,
Bon, je vous livre l'histoire, du moins le début: le narrateur du roman fête ses dix-sept ans dans l'indifférence familiale. Mère au foyer, père qui se veut libéral à l'américaine, frère indifférent et soeur travaillant pour les Forces de la Défense dans le Japon des années soixante. le jeune ado bout comme dans une cocotte-minute.
Le jeune garçon ne supporte pas son corps changeant et encore moins les regards réels et imaginaires qui se posent sur lui. Il voudrait tous les abattre, se tuer lui-même, éliminer ce qu'il est, s'oublier. Etrange non? Ce court roman de 1961 que Kenzaburo Oê a écrit encore très jeune rappelle tout bonnement l'histoire des jeunes auteurs actuels d'attentats aux Etats-Unis et en Norvège, embrigadés par des groupuscules d'extrême-droite, qui clament tout haut leurs pulsions honteuses.
Y'a pas à dire, Kenzaburo Oê est un grand auteur, dérangeant et avant-gardiste, mais il faut pouvoir digérer cette violence brute et si réelle. En quelques phrases, il met à jour les mécanismes de cet embrigadement et les dangers de ce moment fragile et transitoire de l'adolescence.
C'est un petit roman fort et universel, que n'importe quel peuple actuel peut lire et comprendre.
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Comment, quand on a 17 ans, en arrive-t-on à adhérer à l'Action Impériale, le parti ultranationaliste japonais?
« Seventeen » relate l'embrigadement d'un jeune garçon dans un parti d'extrême-droite.
Dans le Japon des années 1960, le narrateur vient d'avoir 17 ans ; il a fêté son anniversaire dans l'indifférence générale. Mal dans sa peau, complexé, inhibé, il se déteste autant qu'il déteste le monde, « je suis un seventeen pitoyable et laid ». le coeur empli de colère, de dégoût, de mépris, il se sent incompris et rejette aussi bien sa famille que ses camarades de classe, « j'ai envie de les tuer tous à la mitraillette, j'ai envie de les massacrer tous ! »…
De plus, dominé par des pulsions sexuelles qu'il ne maîtrise pas, il s'adonne à l'onanisme avec une frénésie morbide et un sentiment croissant de honte et de dégoût.
L'adolescent, replié sur lui-même, en proie à un terrible sentiment d'infériorité, alterne crises de larmes et crises de violence, écoeuré par un monde qu'il ne comprend pas, « tout dans ce monde me paraît incertain, difficilement compréhensible et insaisissable. J'ai le sentiment que le monde appartient à autrui et que je ne dispose de rien. »
Jusqu'au jour où un camarade l'emmène écouter le discours du leader de l'Action Impériale, un parti d'extrême-droite.
Les mots de l'orateur, agressifs, chargés de fiel et de hargne résonnent dans l'esprit du jeune homme comme s'ils appartenaient à sa propre voix intérieure. Cette musique haineuse et vociférante est la sienne, il a enfin trouvé Sa Vérité !
Flatté par le leader, embrigadé, l'adolescent devient un membre actif de ce parti ultra violent aux méthodes radicales.
Ce faisant, il prend conscience de sa nouvelle nature, il n'a plus peur de rien désormais, le port de l'uniforme lui donne un sentiment de puissance et de supériorité qui l'exalte. Il n'est plus le misérable ado se masturbant pour calmer ses angoisses mais bel et bien un homme nouveau ayant abandonné tout individualisme au profit d'un patriotisme primaire et absolu.

C'est dans les années 1960, alors que le Japon est en proie à une montée alarmante des mouvements nationalistes, que paraît cette histoire sombre et violente inspirée par l'assassinat d'un chef de parti socialiste par un membre de l'extrême-droite.
Son auteur, l'écrivain japonais Kenzaburô Ôé y relate par le menu l'effrayant processus qui conduit un adolescent mal dans sa peau à adhérer à un groupe de nationalistes radicaux.
En construisant son histoire à la première personne du singulier, l'auteur nous fait entrer de plain-pied dans la conscience tourmentée de son personnage et c'est avec un sentiment croissant de malaise que l'on assiste à ce déferlement de violence intérieure, de frustrations, de complexes, d'obsessions spirituelles et sexuelles dont l'apaisement ne viendra que par la soumission à une entité dominante, ici l'Action Impériale et la loyauté offerte à l'empereur du Japon.
Une écriture au plus près du réel qui dissèque et analyse remarquablement les tourments du narrateur, nous offrant ainsi une radioscopie impitoyable de toute une génération, celle des japonais des années 1960, tiraillée entre tradition et modernité, en proie aux inquiétudes, aux questionnements et aux indécisions face à un monde qui change et se modernise.
Mais si le message antimilitariste et anti-ultranationaliste de Kenzaburô Ôé était très audacieux et d'une insolente modernité pour l'époque, il demeure d'une redoutable efficacité. La montée des extrémismes, la recrudescence d'adolescents en mal d'identité et de reconnaissance choisissant la voie du radicalisme, qu'il soit politique ou religieux, prouvent s'il est besoin, que le texte de l'auteur reste aujourd'hui encore bien trop d'actualité.
Prix Nobel de Littérature en 1994, l'auteur japonais offre avec cette nouvelle extraite du recueil « le faste des morts », un texte fort d'où sourd une violence désespérée que le manque de communication, l'incompréhension et l'indifférence ont rendue totalement irrépressible.

« Ah, si ce monde me tendait seulement une main, que je puisse saisir avec simplicité, certitude et passion ! »
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Histoire lointaine dans ma mémoire, de l'endoctrinement d'un jeune par l'extrême droite nippone. Interrogations adolescentes sur le sens d'une existence. Un jeune complètement perdu et laissé pour compte rattrapé par la société du pire. Intrigue que l'on pourrait très bien situer sous d'autres latitudes et à d'autres époques. La manipulation et la récupération d'une jeunesse désoeuvrée à des causes extrémistes.
Encore une fois Kenzaburo Oé met le doigt où ça fait mal.
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On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Encore moins quand on est un onaniste invétéré, complexé par un physique ingrat, paralysé par sa propre médiocrité, terrorisé par la perspective de son insignifiance même par-delà la mort. le narrateur de ce récit se sent étranger dans sa propre famille qui semble avoir oublié son anniversaire. Seule sa grande soeur, infirmière dans un hôpital militaire, lui dit cette phrase : « Tu as dix-sept ans. Tu ne veux pas saisir ta propre chair ? ». Mais les seules fois où il saisit sa chair, c'est pour se branler, et aucun détail ne nous est épargné de ses errances masturbatoires.

Un soir, tandis qu'il débat avec sa soeur autour d'idées politiques, il se sent à court d'arguments. Dépassé par la frustration et les larmes, il la frappe. La seule réaction de son père, qui dissimule sa démission paternelle derrière des idées libérales, est de lui rappeler ses piètres chances d'intégrer une université. Humilié dans sa famille comme au lycée, ce garçon de dix-sept ans méprise tous ceux qui l'entourent. Il est une proie facile pour les militants d'extrême droite qui l'invitent à donner la claque lors des meetings du parti de l'Action Impériale. de créature insignifiante, le voilà qui accède à un nouveau statut, celui de patriote pur et courageux, un « garçon élu ».

Cette nouvelle s'inspire de faits réels ayant conduit à l'assassinat d'Inejirō Asanuma, président du Parti socialiste japonais, par un nationaliste de dix-sept ans le 12 octobre 1960. Kenzaburô Ôé explore les affres de l'adolescence, la douloureuse quête d'identité. On retrouve chez lui comme chez Mishima ou Tanizaki les dangers d'une sexualité frustrée, de pulsions incontrôlables et inassouvies. Il illustre ainsi la manière dont la haine et la violence peuvent s'insinuer dans un coeur faible et avide de reconnaissance. Il montre comment des idées démagogiques peuvent coïncider avec les fantasmes d'un individu pour l'amener à faire des choix irrémédiables. « J'aurais un orgasme qui durerait ma vie entière » songe le narrateur, car telle est pour lui cette promesse de pouvoir et de prestige, l'illusion d'une libération…
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