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3,35

sur 272 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai mis beaucoup de temps à vraiment comprendre ce qui m'émouvait autant dans ce roman. le personnage principal, Anna, ne m'était pas particulièrement sympathique mais me touchait profondément. Derrière la dureté, l'apparente indifférence, le silence, la honte et l'anesthésie à sa propre souffrance. Anna est née en Finlande mais sa mère vient d'Estonie et sur ce passé si proche et envers ce pays si proche, il y a interdiction de parler, interdiction maternelle. le secret est total alors que les allers-retours Finlande-Estonie sont fréquents pour rendre visite à la grand-mère. La méfiance générale que la mère colporte de sa jeunesse jusqu'à celle de sa fille s'explique par les déportations d'Estoniens en Sibérie courantes dans les années 50.
Anna enfant est écartelée entre un monde d'opulence, une société de consommation où il est facile de tout avoir et un pays qui vit encore, à quelque chose près, comme au XIXe siècle et avec lequel elle entretient un rapport affectif fort. Ainsi des lieux, des goûts, des odeurs "différentes", plus authentiques, tout cela étant attaché d'une manière ou d'une autre à la figure grand-maternelle. Entre ces deux mondes, il y a Anna et une souffrance indiscernable, silencieuse. Sans mots pour la remarquer, c'est comme si elle n'existait tout bonnement pas.
En Estonie, du temps de la jeunesse de la mère (années 70), il n'y avait rien que de longues files d'attente, en Finlande, il y a tout. La souffrance d'Anna ne se manifeste que dans la rapport à la nourriture (anorexie-boulimie) et dans cette apparence de perfection (corps désirable, façade entretenue à la perfection, cachant l'effondrement et l' impossibilité d'avoir des relations de confiance avec autrui.)
Ce roman est également remarquable parc la grande attention qu'il porte aux détails sensoriels, atmosphères, goûts, matières, vêtements décrits avec sensualité, rendant des mondes lointains familiers. Il réussit également à rendre compte de l'influence de l'histoire des sociétés malades et caricaturales sur les individus (paranoïa légitime et répandue en Estonie face aux dénonciations et déportations, société de consommation en Finlande dont fait partie celle des'"putes estoniennes" par les Finlandais). L'influence de cette histoire a pénétré jusqu'au plus intime de l'être d'Anna.
Ce livre est dur sans être désespérant. Si l'enfer de la maladie dont souffre Anna est présent, le personnage n'est pas condamné, il réussit avec beauté à s'ouvrir à une autre façon de communiquer, une autre façon d'être. Parce qu'au fond, la maladie dont il est question est une maladie de l'avoir, du paraître et de la difficulté à "être" libre.
C'est un livre très attachant, d'une grande intelligence, je n'ai pas senti qu'il s'agissait d'un premier roman, ce que d'autres lecteurs ont souligné, j'ai senti au contraire un roman très maîtrisé, possédant une grande force, celle du vécu.
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A travers plusieurs personnages , et deux femmes, Katariina et Anna on apprends ce qui s'est déroulé en Estonie entre 1940 et maintenant. La prise par les nazis durant la seconde guerre puis le pays est sous l'emprise des soviétiques jusqu'à l'indépendance du pays en 1992.
Histoire bien construite avec régulièrement des retours dans le passé. Les estoniens qui ont du quitter leurs pays pour aller dans les camps de Sibérie. Ceux qui se sont échappés en Finlande, comme Katariina et Anna. C'est Anna la narratrice du roman, et nous fait vivre à travers les lignes son pays d'origine , son Estonie, comme Sofi Oksanen qui elle aussi était de là-bas.
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Une succession d'aller - retour dans le temps. Une femme et sa fille.

Estonienne, elle va se marier avec un Finlandais dans les années 70. Il y a encore le mur de Berlin, l'Estonie est une annexe du bloc soviétique. Les cicatrices de la guerre et de l'annexion existent encore et sont même encore ouvertes pour certaines. La mère cache ses origines. Elle ne pourra pas retravailler alors qu'elle était ingénieur. Elle devient paranoïaque peut être avec quelques raisons. Elle ne se fait pas à son nouveau pays. Elle va passer sa vie à faire des aller retours compliqués entre Tallinn et la Finlande. Sa fille doit cacher ses origines, lié aux problèmes du couple, cela va donner une jeunesse très erratique. La jeune femme va développer un comportement alimentaire très particulier (c'est un euphémisme en fait elle souffre de boulimarexie). Et l'autre partie du roman est consacrée à cette jeune femme qui ne sait pas qui elle est, qui a une nostalgie d'un autre pays, autre monde qui lui faut cacher.

C'est difficile à résumer, c'est dans tous les cas un roman prenant qui nous fait amène dans une période de l'histoire Européenne que nous avons oubliée, occultée ou ignorée pendant longtemps. C'est un style cru qui ne plaira pas à tous le monde mais il fait ressortir l'enfermement de ces deux femmes.

"Ma première fois, c'était différent."
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La lecture de ce livre (en 2017) m'a complètement bouleversée. Sur le plan historique d'abord : en effet, jusque là, la région Estonie-Finlande et ses relations avec le voisin soviétique monstrueux, n'était pas dans les sujets centraux. Sur le plan de l'écriture, une écriture puissante, acérée, secouante.
Et enfin l'histoire des deux protagonistes évidemment, l'histoire du déracinement . C'est prenant, on n'a pas envie que le livre finisse.
Premier livre de Sofi Oksanen découvert, je me suis précipitée vers ses autres oeuvres.
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Sofi Oksanen est une auteure finlandaise devenue mondialement célèbre après la publication de son roman Purge en 2008. Traduit dans plusieurs langues dont le français en 2010, ce récit-choc sur l'oppression sexuelle subie par deux femmes dans l'Estonie soviétique a été salué par la critique et a même fait l'objet d'un film en 2012.

En Finlande toutefois, Oksanen s'est fait un nom dès 2003 avec la publication de son roman Les Vaches de Staline (traduit en français en 2011 après le succès de Purge). Rédigé (en partie) à la première personne, ce livre de 440 pages raconte l'histoire d'Anna, une jeune Finlandaise souffrant de troubles alimentaires. Alors que sa mère, immigrée estonienne, lui demande de cacher ses origines de peur qu'on la prenne pour une « prostituée russe », son père délaisse le foyer conjugal pour des missions en Russie où il entretient des relations avec de jeunes femmes ayant les mêmes mensurations que sa fille.

Si le sujet du roman est extrêmement riche, c'est surtout le style de l'auteure qui en fait une véritable pépite. Oksanen utilise des phrases courtes, parfois à la manière de simples notes dans un journal intime, et un vocabulaire cru qui souligne la radicalité de son personnage. Anna est en effet une jeune femme aux opinions bien tranchées qui s'impose une discipline de vie extrêmement stricte et refuse tout compromis.

C'est sa voix qui domine la narration, même si le récit repose sur trois lignes du temps parallèles ayant chacune leur point de vue :
• Celui d'Anna, jeune adulte, dans la Finlande des années 1990 ;
• Celui de Katarina, la mère d'Anna, dans l'Estonie soviétique puis la Finlande des années 1970, où elle a suivi son mari ;
• Celui de la génération précédente dans l'Estonie des années 1940, dont Arnold, le père de Katarina, sa soeur Aino, et sa femme Sofia.

L'une des nombreuses qualités du roman est d'ailleurs d'établir un lien fort entre les trois périodes. Cela s'opère notamment à travers la description des relations entre Anna, sa mère (Katarina) et sa grand-mère (Sofia). Les traumatismes du passé, de la seconde guerre mondiale à l'ère soviétique, permettent de mieux comprendre la paranoïa de Katarina, la mère d'Anna, et la relation complexe qu'entretiennent les trois femmes.

Alors que les chapitres consacrés aux années 1940 et 1970 sont rédigés dans un style assez sec et factuel, les chapitres (majoritaires en nombre) consacrés au point de vue d'Anna se caractérisent par un ton acerbe fortement teinté d'ironie.

La narratrice joue même parfois des tours au lecteur, comme lorsqu'elle introduit un personnage ou une situation tout en laissant planer une certaine ambiguïté, afin de créer un effet de surprise. Les toutes premières lignes du roman en sont d'ailleurs un bon exemple : le lecteur s'imagine un certain scénario (accouchement ? premier rapport sexuel ?) avant de découvrir qu'il s'agit de tout à fait autre chose.

La relation maladive d'Anna à la nourriture est au coeur du roman. La « boulimarexie » dont elle souffre la fait alterner entre des périodes de jeûne et des périodes de gloutonnerie frénétique, suivies de vomissements provoqués. Décrites dans le détail, les crises d'Anna ont pour effet de l'isoler de son entourage et l'empêchent d'avoir une vie sociale normale. Son obsession pour la nourriture est telle qu'elle la décrit en termes religieux (« mon seigneur », « ma seule église, à moi, c'est la nourriture », etc.).

Face à cet engrenage infernal, le lecteur s'interroge sur les causes de ce mal-être : La honte des origines estoniennes, transmises par la mère ? La nostalgie de l'enfance et du « monde d'Anna », à jamais disparu ? L'infidélité du père, à l'origine d'un sentiment de mépris et de défiance à l'égard de tous les hommes ?

Quelles qu'en soient les causes, le mal-être d'Anna se manifeste avec force dans sa sexualité et ses relations amoureuses. Obsession de la féminité, peur de l'engagement, incapacité à exprimer son désir… le corps de la femme apparaît comme un champ de bataille permanent.

Au-delà du récit personnel très fort d'Anna, Les Vaches de Staline est aussi un roman à forte dimension historique. La seconde guerre mondiale est évoquée assez tardivement mais permet de comprendre l'implication des grands-parents d'Anna dans la résistance des « patriotes » estoniens contre les « libérateurs » russes. Déportée dans le goulag sibérien, la soeur du grand-père d'Anna et sa famille tentent de survivre dans des conditions atroces.

La période des années 1970, si elle apparaît moins violente, est caractérisée par un climat de peur et de délation. Les absurdités du système soviétique sont pourtant souvent décrites avec humour, de même que le choc culturel vécu par Katarina en arrivant en Finlande :

« La caisse du supermarché, c'est comme la douane. Sauf que la caisse sourit et dit bonjour, contrairement à l'éthique soviétique. »

Ce passage du monde soviétique à l'Europe occidentale marque profondément l'imaginaire de la petite Anna, qui voyage régulièrement en Estonie avec sa mère. Il nourrit des sentiments contradictoires : une honte des origines mêlée à une certaine nostalgie.

Tant au niveau du style que du contenu et de la psychologie des personnages, Les Vaches de Staline est un livre marquant que j'ai adoré lire et dont j'ai hâte de discuter dans le cadre de mon club de lecture !
Lien : https://histfict.fr/les-vach..
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Cette écriture là ne prend pas de gants pour dire les choses , c'est certain . Cela peut rebuter , mais il faut reconnaitre que ce livre ne peut laisser indifférent . La crudité qui est présente ici n'est pas gratuite . Il n'y a pas de volonté de faire dans le glauque pour vendre . Sofia Oksanen nous envoie une vision qui est tout sauf politiquement correcte , mais qui s'avére d'une franchise remarquable . Ce livre c'est une grosse claque , il faut s'y prendre à deux fois , mais l'expérience est salutaire . Un grand ouvrage .
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