Et toutes ces pauvres filles qu'on couche dans le foin et qui se retrouvent enceintes et qu'on abandonne à leur triste sort, comme si elles étaient les seules coupables. Les hommes sèment la honte et la misère et se permettent de juger comme s'ils n'étaient responsables de rien.
Ses bêtes, moins nombreuses après la vente d'une partie du troupeau, avaient assez d'herbe pour engraisser tranquillement, sauf si un été trop chaud la grillait. Le risque, en Normandie, était minime.
Abandonnée par sa famille qui était sa protection habituelle, couchée sur le banc, perforée dans sa chair et dans son âme, Rosa était entrée dans un monde brutal, dénué de toute tendresse dont elle ne comprenait pas les règles, mais que chacun semblait considérer comme la normalité.
Si mes moutons pouvaient donner leur avis, ils me diraient que j'ai raison, qu'on ne peut pas passer complètement à côté de la vie.
L'argent ne rend pas heureux, mais il permet d'acheter ce qui ressemble à l'amour. C'est du toc, mais on peut se convaincre que ça y ressemble. Plus j'ai d'argent, et plus on fait semblant de m'aimer. Mais si je donne de l'argent pour qu'on m'aime, il faut que j'en gagne. Toujours plus, car qui peut dire qu'il a assez d'amour ?
- Et où irais-tu, ma pauvre amie ? demanda Valine.
- Le monde est grand. Il n'est peut-être pas méchant partout.
Tu as été la plus jolie lumière qui ait éclairé ma pauvre vie.
Partir, c'est facile. Le difficile, c'est d'arriver quelque part.
Rosa reprit sa lecture. C’était son blindage contre les violences de l’existence. Elle vivait les livres, avait le sentiment d’exister plus passionnément que dans le quotidien. Elle voyageait, rêvait, pensait, désirait par l’imagination et la lecture.
Les paysans n’ont jamais aimé sortir leurs ducats. Le troc permet de garder les jaunets dans leur cachette. Leur richesse doit plus à l’absence de dépenses qu’aux trop rares et aléatoires rentrées d’argent, dépendantes d’une récolte ou de la vente d’une bête.