Citations sur Le crépuscule d'une idole (84)
Freud ne s'est pas contenté de créer un monde magique, il y a conduit nombre de personnes et a souhaité y faire entrer l'humanité tout entièr
Les historiens de la psychanalyse se chamaillent pour dater l'auto-analyse de Freud. Quand commence-t-elle ? Et sa fin ? A-t-elle été constante, régulière ou suspendue ? Si oui, combien de temps ? Les biographes transfigurent habituellement cette aventure somme toute banale en coup de génie salué comme une audace sans nom, une démarche courageuse, un fait exceptionnel, une tentative héroïque et persévérante, une réalisation grandiose, une tâche ardue ! Les qualificatifs pleuvent dès qu'il s'agit de cette introspection ordinaire à laquelle invitent tous les philosophes stoïciens de l'antiquité, puisqu'elle constitue pour eux l'un des exercices spirituels majeurs de la pratique existentielle de leur discipline...
Est-ce grave que le psychanalyste dorme pendant qu’il mène une analyse alors qu’on le paie pour écouter ce qu’on lui dit ? Non, répond Freud… Et de mettre sur pied une théorie qui, comme toujours, justifie ses faiblesses existentielles : l’analyste peut dormir car il se sert « de son propre inconscient comme d’un instrument », écrit-il dans Conseils aux médecins sur le traitement analytique (67), et non de son conscient. Freud ne dit pas comment l’inconscient de l’analyste peut fonctionner lorsque ce dernier dort, mais, ici comme ailleurs, il en va de causalités magiques.
Ce monde magique aurait été sans importance notable si Freud n'avait eu le désir d'y convertir l'humanité tout entière , fustigeant les êtres de bon sens qui préféraient le réel à sa fiction.
Pour la névrose, la réalité psychique a plus de significativité que la réalité matérielle
... plus cynique encore, et là la citation s'impose : "Le névrosé pauvre ne peut que très difficilement se débarrasser de sa névrose. Ne lui rend-elle pas,en effet, dans la lutte pour la vie, de signalés services ? Le profit secondaire qu'il en tire est très [sic] considérable. La pitié que les hommes refusaient à sa misère matérielle, il la revendique maintenant au nom de sa névrose et se libère de l'obligation de lutter, par le travail, contre sa pauvreté" (Le Début du traitement, 92)... Précisons que Freud avait fait précéder sa considération théorique d'un aveu : "Tout en étant fort éloigné de tenir ascétiquement l'argent pour méprisable" (ibid.), etc.
Freud [...] dans une lettre à Fliess datée du 15 mars 1898 :"Je dorspendant les analyses l'après-midi"... Des patients témoigneront. Par exemple, Helen Deutsch, future psychanalyste, confiera que Freud s'était endormi au moins à deux reprises lors de son analyse...
Les enfants rêvent de panoplies pour affronter des ennemis existants, Freud se taille sur mesure un costume de conquistador afin de découvrir des mondes chimériques. Au royaume de l'illogique, le psychanalyste est roi.
Pour tous les astrophysiciens, la Terre est ronde, tourne sur elle-même et autour du Soleil selon un trajet elliptique ; pour tous les scientifiques, l'homme est le produit de l'évolution d'une espèce de singe au cours de l'histoire de l'humanité ; pour tous les psychanalystes, un même fait psychique relève d'une multiplicité de lectures, ce qui plaide pour penser la psychanalyse comme un perspectivisme (de type nietzschéen...) et non une discipline scientifique.
Dans ses propositions d'analyse de rêves, Freud découvre moins la vérité d'autrui que sa propre vérité. Le rêve est la voie royale qui mène à l'inconscient de l'interprète...