Histoire du Juif errant

- A quoi crois-tu ? demande Francesco en réponse.
- Moi ? A presque rien. Au temps qui passe, peut-être, et au génie des hommes qui se succèdent les uns aux autres et qui n’en finissent pas d’inventer des choses nouvelles.
- Eh bien, dit Francesco, je crois qu’au fond du temps qui passe et de tous les rêves des hommes, il y a encore quelque chose de plus fort et de plus profond, quelque chose qui leur donne leur poids, quelque chose qui leur donne leur sens, et que tu ne connais pas.
- Et qu’est-ce que c’est d’après toi ? demanda Isaac en riant et avec un peu d’impatience.
- C’est l’amour, dit Francesco.
Et il se mit à chanter.

- Vous avez un côté prof, répondit Marie. On ne vous l’a jamais dit ?
- Madeleine ! m’écriai-je.
Ce n’était pas parce que Simon m’irritait qu’il fallait le laisser insulter.

J’aime beaucoup les soirs, vous savez. J’aime aussi beaucoup les matins. Pour moi qui ne change jamais, rien n’est plus beau que ces instants où, à la différence du grand jour ou de la nuit déjà close, quelque chose enfin, quelque chose déjà, est entrain de changer. Comme c’est plaisant, ces matins où la journée s’annonce, où elle est contenue toute entière ! Tous les plaisirs du jour sont dans les matinées. Le monde n’est fait que de matins.

Que feraient les femmes sans les hommes ? Le monde avance et survit parce qu'il y a des hommes et des femmes et parce qu'ils font des enfants. Il n'y aurait plus de monde s'il n'y avait plus d'enfants. Pour vous, qui n'êtes pas immortels, l'amour remplace l'éternité.

Je crois que les imbéciles s'occupent beaucoup de l'avenir parce qu'ils peuvent en dire n'importe quoi. Ils ont même une chance de tomber juste. Mais elle ne relève que du hasard.

Le temps est tout. Mais il n'est rien. C'est un autre nom de l'univers. L'espace existe, et il peut être dominé. Le temps n'existe pas, et il est invincible.

L'histoire Universelle à travers les récits du juif errant ayant traversé diiférentes époques car condamné à l'immortalité...réflexions sur la condition mortelle de l'humain,le temps qui s'écoule,la vie,la mort...du très grand d'Ormesson.

La vie de l'esprit est comme une spirale qui emprunte les mêmes trajets mais s'arrête aux même haltes à des niveaux différents.

Le monde n’est fait que de matins. Comme la vie n’est faite que de jeunesse, comme les romans ne sont faits que de débuts d’attaques, d’ouvertures, ce que les pédants appellent des incipit. Aimez-vous autant que moi les débuts de roman ?

Rien de ce que je vous ai raconté durant ces soirs écoulés que nous avons passés ensemble devant la Douane de mer n’est plus extraordinaire que ce qui vous arrive tous les jours dans votre vie quotidienne. Le soleil qui se lève pour briller sur la mer, sur les champs, sur les passions des hommes est bien plus prodigieux que l’incendie de Rome ou l’enterrement d’Alaric. Le moindre de vos bonheurs est autrement éclatant que la gloire de l’Empire. Et la découverte de l’Amérique ne vaut pas un battement de cœur ni le reflet de l’amour qui vous unit l’un à l’autre.